Rencontre avec Clément Foyer, maître de conférence, membre de laboratoire LICIIS
Pouvez-vous nous parler du projet Marie Curie auquel vous avez participé ? Quel rôle avez-vous joué ?
Le projet auquel j’ai participé s’appelait EXPERTISE (Models, EXperiments and high PERformance computing for Turbine mechanical Integrity and Structural dynamics in Europe). Il portait sur la création de nouveaux outils pour la mécanique des turbines d’avion. L’idée générale était de créer de nouveaux modèles de simulation numérique des turbines d’avions, qui calculent les vibrations des turbocompresseurs.
Parmi les partenaires de ce projet, il y avait l’Ecole polytechnique de Turin en Italie, l’Université de Stuttgart et l’Université technique de Munich en Allemagne, l’Ecole centrale de Lyon en France, BSC Barcelona Supercomputing Center en Espagne, l’Université technique d’Ostrava et MAVEL AS en République Tchèque, l’Université technique du Moyen-Orient en Turquie ainsi que Imperial College of science technology and medicine, l’Université d’Oxford, et également CRAY U.K. Limited en Angleterre, une entreprise dans laquelle j’ai travaillé.
Notre équipe était composée de doctorants impliqués dans plusieurs domaines : une personne qui était plutôt axée mécanique, des personnes pour créer des modèles numériques, et moi, j’ai travaillé sur les questions de Calculs de Haute Performance (HPC). Mon rôle était d’essayer de trouver les moyens d’améliorer des calculs, ainsi que l’application de ces calculs dans des échelles plus grandes, à savoir des superordinateurs. Sur ce projet nous étions donc 4 ESR (early stage researchers) dans le domaine du calcul haute performance.
Pour quelles raisons avez-vous choisi de participer à ce projet et postuler pour cette bourse ?
Je venais juste de recommencer un contrat d’ingénieur à l’Inria et je réfléchissais à une possibilité de partir en thèse. A ce moment-là on m’a contacté sur LinkedIn et on m’a proposé de venir en Angleterre et de participer au projet MSCA. Dans le projet, c’est principalement le sujet qui m’a intéressé et qui m’a convaincu de postuler.
Mes travaux étaient encadrés à la fois par l’entreprise qui m’a recruté, et par l’Université de Bristol, dans laquelle j’étais inscrit et qui m’a délivré le titre de docteur. J’ai été aidé par l’entreprise pour les questions pratiques et administratives, comme par exemple, trouver mon premier logement, me mettre en relation avec mon colocataire etc.
En termes de documents on m’a demandé de fournir une attestation de diplôme et une attestation de niveau d’anglais de C1 obligatoire lors de mon inscription à la faculté. A cette époque, j’avais le certificat TOEIC mais il s’est avéré qu’il n’est pas reconnu dans le domaine universitaire. De ce fait, il a fallu que je passe un IELTS.
J’ai eu quelques difficultés avec l’ouverture d’un compte bancaire, mais à part ça, je n’ai pas rencontré d’autre difficulté.
Pourriez-vous décrire la procédure : comment avez-vous trouvé l’annonce ? Quelle était la procédure pour postuler ? Avez-vous eu un tuteur pour vous aider ? Comment s’effectue le choix de pays ?
J’ai eu plusieurs entretiens avec le recruteur (agence) et 1 ou 2 entretiens avec l’entreprise, qui était intéressée par des recherches et des publications que j’avais faites à l’Inria.
En outre, il y a eu deux entretiens à la distance : un avec une partie de l’équipe et l’ingénieur principal, qui gérait l’équipe avec deux autres collègues chercheurs ; et le deuxième entretien – avec un seul collègue qui était basé en Suisse qui était le bras droit de l’ingénieur principal. On m’a posé des questions sur mon parcours, quelles étaient mes contributions, ils ont vérifié également mes connaissances sur le domaine pour voir si mon CV correspondait bien à ce que j’avais fait. Mon profil correspondait à ce qu’ils recherchaient et ainsi j’ai été choisi et recruté pour ce poste. J’ai su que je partais en Angleterre et que j’avais un mois pour me préparer et organiser mon déménagement.
Quelles difficultés aves vous rencontrées lors de la candidature ? et dans le déroulé du projet ?
Durant la candidature je n’ai pas eu de problèmes particuliers. Pendant le déroulé du projet, j’ai fait face à quelques difficultés et imprévus. Par exemple, j’aurais dû faire un détachement durant le projet chez Rolls Royce et finalement il n’a pas eu lieu. Mais en fin de compte, mon détachement a eu lieu à Barcelone, BSC Barcelona Supercomputing Center ce qui, à mon avis était une meilleure décision.
Ensuite, la période de COVID a eu un impact sur quelques actions prévues initialement, notamment, sur un séminaire avec tous les partenaires en République Tchèque qui a été annulé.
D’un point de vue financier, je n’ai pas eu de problème car la bourse prévue était suffisante pour vivre très convenablement à Bristol. Cette bourse est basée sur une rémunération de base et un coefficient multiplicateur en fonction du pays où on fait notre stage et où on habite.
Un autre imprévu a été le rachat de l’entreprise CRAY UK. Limited, dans laquelle je faisais mes travaux pendant ma thèse, par Hewlett Packard Enterprise (HPE) ce qui a mené au départ de mon encadrant de thèse qui ne me suivait plus au quotidien. Le COVID a également beaucoup impacté l’ambiance générale dans l’entreprise. D’ailleurs, c’est à ce moment-là que je me suis rendu compte que le monde de l’entreprise ou la culture de l’entreprise n’était pas fait forcément pour moi.
Quels sont les avantages/inconvénients selon vous d’un MSCA Doctoral ?
Des avantages, j’en vois pleins ! Tout d’abord, le fait de voyager à travers l’Europe, puisqu’il y avait plusieurs conférences auxquelles on a dû participer. Cela ouvre des possibilités, des nouvelles rencontres et les échanges avec des collègues de différents pays. Par exemple, j’ai passé 2 semaines à Stuttgart en formation au HLRS (High Performance Computing Center) qui est un acteur important du HPC en Allemagne, et par conséquent en Europe.
Les bourses doctorales forcent à partir à l’étranger puisque pour être éligible, il faut respecter la règle de mobilité : c’est-à-dire aller travailler dans un pays qui n’est pas votre pays de résidence. Cela peut représenter un levier de motivation ou un frein, mais c’est crucial d’en avoir conscience.
L’interdisciplinarité de ce projet m’a également marqué. Grâce à cela, j’ai, par exemple, appris le fonctionnement d’une turbine. J’ai eu la possibilité de participer avec d’autres chercheurs et leurs encadrants à des discussions sur l’aéronautique et notamment sur son impact écologique.
En termes d’inconvénients, honnêtement, je n’en vois pas tant que ça. C’est principalement la difficulté d’accéder à ce type de financement.
Avez-vous des conseils à donner aux doctorants qui voudraient envoyer leur candidature à ce type de bourse ?
Allez-y ! Cela permet de créer des relations à long terme avec vos collègues. Ce fut le cas pour moi avec mes collègues de Barcelone. Cela crée des liens très forts. Cette expérience permet de développer un réseau européen et potentiellement mondial selon l’origine des étudiants qui sont recrutés. Cela offre également des propositions d’embauche pour le futur.
Que vous a apporté ce projet dans le sens professionnel et personnel ?
Le projet a été très formateur. Les échanges avec mes collègues et partenaires m’ont permis de développer des connaissances dans leur domaine d’expertise.
J’ai beaucoup appris sur l’entreprise où j’ai travaillé, ainsi que sur mes collègues et encadrants avec lesquels je suis toujours en contact. J’envisage potentiellement de monter un jour un projet avec eux. Ce sont des gens avec qui je pourrais être amené à retravailler. Donc, c’est vraiment très bénéfique.
Au sens personnel, j’ai appris à faire de la science, à poser des axes de recherches, à essayer de suivre une piste, un questionnement et à évaluer ce qui a été fait auparavant. En outre, durant la thèse j’ai appris à faire de la recherche et faire de la science.