Rencontre avec Angélique RAT, professeure de chaire junior, membre du Laboratoire RIBP

Angélique Rat est une microbiologiste et phytobiologiste.

Elle est actuellement titulaire d'une chaire de professeur junior au laboratoire RIBP, Université de Reims Champagne Ardenne, Reims, France. Ses recherches portent sur les interactions plante-microbe.

Elle a obtenu son doctorat en biologie à l'Université de Gand en Belgique dans le cadre du projet MICROMETABOLITE (Marie SkÅ‚odowska-Curie No 721635), avant de travailler au laboratoire Bergelson, New York University, États-Unis, en tant que chercheuse postdoctorale sur le Projet PATHOCOM (ERC-Synergy grant 951444).

Pouvez-vous nous parler du projet Marie Curie auquel vous avez participé ? Quel rôle avez-vous joué ?

Le projet financé par l’action Marie Sklodowska Curie auquel j’ai participé s’intitulait MICROMETABOLITE (Research Training Network on the Microbial Enhancement of Bioactive Secondary Metabolite Production in Plants). Il avait pour but d’utiliser des microbes pour stimuler la production de molécules pharmaceutiques chez des plantes médicinales. Le projet a duré un peu plus de 3 ans, en raison du Covid.

Durant ce projet, j’ai été rattachée à l’Université de Gand en Belgique. Les autres partenaires étaient l’Université Catholique de Louvain, AIT Austrian Institute of Technology GMBH, basé en Autriche, l’Université Aristote de Thessalonique et l’Université nationale et capodistrienne d’Athènes qui se trouvent en Grèce, ainsi que INOQ GmbH Mykorrhiza für Pflanzen en Allemagne. Il y avait également quelques partenaires associés, non-bénéficiaires de la subvention, chez lesquels nous avons suivi des formations tout au long du projet.

Ma thèse portait plus précisément sur l’isolation et l’utilisation de bactéries endophytes pour stimuler la production des phytométabolites d’intérêt alkannine et shikonine. En parallèle, certains doctorants travaillaient sur des champignons endophytes, d’autres sur les procédés d’extractions des métabolites, d’autres encore sur les applications médicales de ces composées.

Pour quelles raisons avez-vous choisi de participer à ce projet et postuler pour cette bourse ?

J’avais pour objectif de travailler dans la recherche en biologie des plantes. Le doctorat était donc une évidence. J’ai tout d’abord postulé en France, via les concours doctoraux à Toulouse et Montpelier. Cependant, j’avais eu l’opportunité d’effectuer de longs séjours à l’étranger pendant mes études et je souhaitais vraiment repartir. Je me suis ainsi renseignée sur les offres de thèse à l’étranger et je suis tombée sur ce programme de doctorat dans le cadre du projet MICROMETABOLITE. Le poste se trouvait en Belgique et l’offre précisait qu’il y avait plusieurs séjours de formation dans les instituts partenaires de prévus ; ça m’a tout de suite attirée. De plus, le sujet du projet était très intéressant et me permettait de développer les compétences que je souhaitais acquérir pour ma future carrière de chercheur. A l’époque, je ne connaissais pas du tout le réseau doctoral Marie-Curie, et la renommée internationale du programme. Ces actions méritent d’être connues et peuvent offrir des perspectives très intéressantes aux étudiants qui souhaitent s’orienter dans la recherche. Pour ma part, j’ai tenté ma chance et ça a marché ! (Sourire)

Pourriez-vous décrire la procédure : comment avez-vous trouvé l’annonce ? Quelle était la procédure pour postuler ? Avez-vous eu un tuteur pour vous aider ? Comment s’effectue le choix de pays ?

J’ai trouvé l’annonce de cette offre sur Internet, via la plateforme EURAXESS ou via le site MSCA. C’était l’Université de Gand qui cherchait un doctorant. Il y avait au total 127 candidats pour ce poste et environ 5 personnes ont été sélectionnées pour un entretien. Il semblerait que ce dernier est souvent mené en présence de tous les membres du consortium mais dans mon cas, j’ai été interrogée uniquement par celle qui est devenue ma superviseure en Belgique. Elle a retransmis par la suite notre entrevue aux membres de consortium, avant de valider ma candidature.

Lors de l’entretien on m’a posé plusieurs questions techniques, sur mes compétences et connaissances scientifiques et si j’étais prête à me déplacer régulièrement.

Une fois sélectionnée, l’Université de Gand m’a été d’un grand soutien dans les démarches administratives. Ils ont été très réactifs, clairs et compréhensifs. Hormis le diplôme, on m’a également demandé de fournir mes bulletins de notes d’école d’ingénieur ainsi que mes papiers d’identité. J’ai également dû faire certifier l’équivalence de mon diplôme d’ingénieur à un niveau Master, car en Belgique le niveau à la sortie de ce qu’ils appellent écoles d’ingénieur est un niveau Licence.

Quelles difficultés avez vous rencontrées lors de la candidature et dans le déroulé du projet ?

Je n’ai pas eu beaucoup de problèmes lors de ma candidature, excepté un retard administratif pour l’obtention de mon diplôme d’ingénieur.

Cependant, il a fallu faire face à toute sorte de complications durant la mise en œuvre du projet. La plus grosse difficulté a été l’absence de plantes. En effet, mon objectif était d’inoculer des bactéries en plantes, malheureusement, pendant près de 2 ans nous n’avons pas eu de plantes sur lesquelles travailler, lié à des difficultés dans la mise au point des conditions de culture.

Il est également important de prendre en compte la dimension collaborative de ce genre de projet : notre travail et nos avancements dans la recherche peuvent dépendre de nos partenaires, qui peuvent rencontrer des délais de leur côté (difficultés d’approvisionnement, machines en panne…). L’attente, quand les choses ne dépendent pas de nous mais de partenaires dans d’autres pays, peut s’avérer stressante. De même, avec la diversité culturelle et la pluralité de formations d’un réseau scientifique comme mon projet MSCA, des problèmes de communication entre collaborateurs, et autres malentendus apparaissent souvent.

En dépit de ces petits désagréments, je me suis toujours concentrée sur les aspects positifs de cette expérience.

D’un point de vue administratif, les bourses des réseaux doctoraux Marie-Curie sont parfois mal gérées par les organismes employeurs. Personnellement, j’ai eu la chance de n’avoir aucun souci mais j’ai connu des collègues doctorants qui ont rencontré des difficultés pour percevoir leur bourse ou se faire rembourser des frais avancés. C’est un problème qui est régulièrement évoqué sur les réseaux sociaux.

Quels sont les avantages/inconvénients selon vous d’un MSCA Doctoral ?

L’avantage et l’inconvénient majeurs selon moi, c’est l’aspect collaboratif. Collaborer peut s’avérer très stressant : parce qu’il peut y avoir une pression assez forte concernant les résultats ou les publications de la part des collaborateurs, et parce qu’il y a beaucoup de choses qui ne dépendent pas directement de nous. Il faut savoir être patient et apprendre qu’on ne peut pas tout contrôler. D’un autre côté, c’est la collaboration qui rend ce projet mémorable. C’est une expérience incroyable qui permet de développer une ouverture d'esprit grâce aux échanges culturels. On apprend également à écouter l’autre, et à adapter son discours surtout d’un point de vue scientifique. Travailler en collaboration sur des expériences communes m’a également permis de mieux m’organiser et de mieux communiquer sur le partage de résultats.

Un autre avantage majeur des MSCA doctoral networks c’est qu’ils permettent de développer un réseau qui pourra aboutir à de futurs projets de recherche. De plus, ils apportent une visibilité sur un CV à ne pas négliger, surtout à l’international

Je ne serais pas la scientifique que je suis aujourd’hui si je n’avais pas réalisé ma thèse dans ce programme. Ce fut une expérience très enrichissante qui m’est très utile aujourd’hui pour les montages de projets.

Avez-vous des conseils à donner aux doctorants qui voudraient envoyer leur candidature à ce type de bourse ?

Allez-y ! Il faut au moins tenter de postuler car il n’y a rien à perdre et tout à gagner. Lors de l’entretien, il ne faut pas être déstabilisé par un manque potentiel de compétence. Il ne faut pas hésiter à montrer que vous êtes prêt à apprendre, c’est aussi l’objectif d’une thèse. Une fois dans le projet, il est important de rester positif malgré les difficultés : prévoir des expériences « Plan B » en cas d’imprévus permet de continuer d’avancer et de produire des résultats.

Que vous a apporté ce projet dans le sens professionnel et personnel ?

D’un point de vue professionnel, ce fut une expérience très enrichissante. J’ai acquis des nouvelles connaissances scientifiques, j’ai amélioré mes compétences en communication, en organisation, et en prise d’initiative. Dans un projet collaboratif, il faut savoir trouver sa place et s’affirmer pour mener un projet individuel, et cela m’a ainsi permis de gagner confiance. Toutes ces nouvelles compétences m’ont été très utiles durant mon post-doc.

D’un point de vue plus personnel, j’ai eu la chance de rencontrer des amis formidables, venant de partout dans le monde. J’ai beaucoup appris sur différentes cultures et sur moi-même. Ce qui est le plus marquant, c’est qu’on apprend à adapter son discours. Par exemple, l’ironie ou le second degré, qui se pratique beaucoup en France, n’est pas une approche répandue dans plusieurs pays. De même, en fonction des cultures, il est préférable d’être très direct ou au contraire d’être plus subtil. J’ai ainsi appris à observer et à mieux évaluer dans quelle mesure mes paroles peuvent affecter autrui.