Novembre 2021: Interview d'Aurélie Bezault, chargée de mission sport à l'Agence Erasmus+ Jeunesse et Sport

INTERVIEW D’AURELIE BEZAULT, CHARGEE DE MISSION SPORT – AGENCE ERASMUS+ FRANCE JEUNESSE & SPORT

Pourriez-vous vous présenter brièvement, et nous parler rapidement de votre rôle au sein de l’Agence Erasmus ?

Je suis chargée de la mission Sport au sein de l’Agence Erasmus +. Ma mission principale est d’animer le point national d’information Erasmus + Sport. En lien avec le Ministère des Sports, l’objectif est d’informer et d’accompagner les porteurs français dans le but de valoriser leurs projets. Mon rôle est également de suivre la thématique sport, en interne, sur les projets européens financés par notre Agence : le programme Erasmus+ jeunesse et le Corps européen de solidarité. Aussi, avec la perspective des Jeux Olympiques, nous constatons une recrudescence des missions autour de la thématique sport. L’idée est donc de suivre cette dynamique et de valoriser les projets.

Pourriez-vous nous indiquer dans quelle mesure les universités s’impliquent-elles dans des projets Erasmus+ Sport ?

En 2019, peu d’universités participaient à Erasmus+ Sport. En 2020, nous avons recensé 3 projets lauréats portés par des universités. Pour 2021, les résultats ne sont pas encore affichés mais je sais que des projets ont été déposés. Sur une quarantaine de projets acceptés, environ 3-4 universités françaises sont représentées par session et sont généralement partenaires.

Nous constatons que les universités se saisissent peu à peu de cet appel à projets parce qu’elles ont compris qu’il n’y avait pas que les fédérations, les comités olympiques ou les clubs qui pouvaient être financés. En effet, pour être éligible il suffit de justifier qu’une activité en lien avec le sport est menée par l’établissement.

Pourriez-vous nous donner des exemples de projets dans lesquels des chercheurs d'universités ont été impliqués ?

En tant que point de contact, j’ai une vision assez claire des projets portés par les universités car je suis susceptible de les accompagner dans le dépôt.

Par exemple, l’Université de Nice Antipolis est impliquée sur deux projets à la fois, un sur la promotion d’activités physiques et sportives de manière générale et l’autre sur la manière d’outiller les professionnels de santé afin qu’ils utilisent le sport comme un outil de guérison.

L’université de Côte d’Azur quant à elle est partenaire sur un projet plus scientifique qui vise à lutter contre la sédentarité et notamment l’obésité.

Il y a également un projet avec une approche plus sociétale, mené par l’université de Paris Descartes, sur les jeux et sports traditionnels et leur préservation.

Les 3 projets financés l’année dernière concernent :

  • Cergy-Pontoise et l’ILEPS sur la place de la femme dans le sport. Retrouvez ici l’interview de la coordinatrice Marie-Stéphanie Abouna.
  • L’université de Pau et des pays de l’Adour Pau, sur la promotion du sport auprès des écoliers, projet né à la suite d’un INTERREG.
  • L’université de Savoie Mont-Blanc, sur un projet événementiel qui est terminé aujourd’hui. Des groupes d’étudiants, ont réalisé des mini-vidéos de leurs soft-trails autour du Mont-Blanc pour réfléchir sur la place du sport à l’université, le rôle des STAPS.
Trail Mont Blanc Erasmus+Sport

Pensez-vous que la dimension « recherche » a vraiment sa place dans ce type de projets ?

Le partenariat parfait d’un projet Erasmus+ Sport est une coopération entre une fédération ou un club par exemple avec une université qui elle se chargerait de l’analyse de l’existant, des enquêtes statistiques, de la mise en place de protocole de recherche auprès de public cible, etc. En effet, une université aura une méthodologie plus établie lui permettant de réaliser un travail d’analyse des données avec rigueur aussi bien sur les aspects quantitatif et qualitatif. Au-delà de ce rôle traditionnel, un chercheur peut avoir la responsabilité de réaliser un travail de recherche comme une cartographie des acteurs ou de l’existant, une étude ou une synthèse sur un phénomène, etc.

Auriez-vous des conseils à donner à des chercheurs qui seraient à la recherche de partenaires et/ou souhaiteraient intégrer un projet Erasmus+Sport ?

Un projet Erasmus+ nait souvent d’un constat, de discussions menées entre collaborateurs sur des problématiques émergentes ou bien encore d’échanges de bonnes pratiques avec une volonté d’apporter des réponses concertées à une échelle européenne.

L’objectif est donc de voir dans le réseau d’acteurs avec lequel les chercheurs coopèrent, si un pays est plus en avance sur la thématique en question ou si une problématique, sur laquelle le chercheur travaillle, fait l’objet de travaux d’autres pays et serait intéressante à creuser à échelle européenne.

Par exemple, concernant la place des femmes dans la gouvernance sportive, les pays scandinaves sont plus en avance que la France. Le premier niveau serait d’utiliser le réseau via les alliances et les coopérations universitaires existantes.

Le deuxième est d’assister à des conférences et des rencontres scientifiques car c’est en général un très bon levier. Le troisième moyen est le « Sport Infoday », réunion d’information annuelle organisée par la Commission Européenne à Bruxelles. Elle réunit l’ensemble des structures désirant candidater à l’appel à projets Erasmus+ Sport (environ 700 participants). Ces temps d’échanges permettent à la fois de rencontrer des homologues mais aussi de sortir du réseau d’acteurs universitaires et rencontrer d’autres structures, comme les fédérations. Aussi, durant l’évènement, une application de mise en relation des participants est proposée avec la possibilité d’indiquer ses thématiques de recherche.

Enfin, les réseaux sociaux sont eux aussi très efficaces. Via LinkedIn par exemple, il est possible de trouver des groupes de recherche de partenaires et les universitaires ont aussi leurs propres réseaux sur des aspects scientifiques bien précis.

Enfin, au sein de l’agence Erasmus+ nous pouvons également venir en aide dans la recherche de partenaires. Par exemple sur la thématique du sport j’ai des homologues en Finlande et en Belgique flamande. Le Ministère des sports peut aussi, via le bureau des relations internationales, proposer des mises en relation.

De manière plus globale auriez-vous des conseils à donner pour encourager des chercheurs à déposer des projets dans cette thématique ?

Sur le sport, les acteurs ont souvent des projets avec de grandes ambitions mais ils n’ont pas la rigueur scientifique et la méthodologie que des chercheurs pourraient apporter. Les chercheurs qui souhaiteraient développer des outils et sortir de leurs schémas habituels, pourraient commencer à solliciter des fédérations ou des clubs. Par exemple, dans le milieu du patinage artistique ou du handball, il existe des sujets sur la lutte contre les violences sexuelles.

Un autre conseil important pour se lancer est de ne pas se mettre de pression par rapport au calendrier des appels à projets. Il est à noter qu’il y aura un appel à projets par an jusqu’en 2027 (le prochain est le 23 mars 2022), avec à chaque fois un budget croissant. Il est donc préférable de prendre le temps de bien mûrir les projets, peut-être sur un an, et d’analyser ainsi la pertinence de la thématique, tester les partenaires et la répartition des tâches, etc. Certaines questions avant de se lancer sont essentielles : ai-je le temps de me lancer dans une candidature Erasmus (en moyenne 6 mois de montage) ? Ai-je le temps de piloter un consortium européen, sur une période pouvant aller jusqu’à 3 ans ? Ai-je le soutien de ma hiérarchie pour me laisser piloter ce projet et est-ce qu’il s’inscrit dans la stratégie de mon département ?

Aussi, certaines thématiques sont dans la tendance et il est important de les identifier. Il s’agit par exemple du digital, de l’environnement, du développement durable, de l’inclusion. Nous constatons que les sujets tels que la bonne gouvernance, les matchs truqués, le dopage ne sont pas encore suffisamment représentés.

Au sein du pôle santé de l’URCA, tout ce qui a trait au sport-santé, peut coïncider avec vos activités. D’autant plus que c’est une grande priorité de la Commission européenne qui a d’ailleurs lancé un appel à projets spécifique à ce sujet. Aussi, le domaine de la biotechnologie peut aussi être intéressant pour le pôle AEBB et SNI. Enfin, le pôle SHS peut également être concerné par le modèle européen du sport.

La synergie entre les différents fonds européens est également recherchée. Si vos chercheurs sont actuellement sur des projets INTERREG et qu’ils ont identifié d’autres pistes à exploiter peut-être qu’Erasmus+ Sport peut venir en complément.

Le programme Erasmus+ est un excellent levier en termes de visibilité.