Avril/Mai 2021 : Interview de Marion Paoletti, Coordinatrice du projet H2020 RESET à l'Université de Bordeaux

Pouvez-vous vous présenter et décrire votre projet ?

Je suis Marion Paoletti, enseignante chercheuse en science politique à l’Université de Bordeaux. Je suis également chargée de mission parité, égalité, diversité auprès du président de l’université.

Dans le cadre de mes missions et avec l’appui des services de l’Université, nous avons répondu à l’appel à projet Science avec et pour la société du programme Horizon 2020 à travers le projet RESET (Redesinging Equality in Science and Excellence Together).

Le projet RESET, consortium de 7 Universités européennes, vise à repenser l’égalité et l’excellence scientifique ensemble. Cette dernière notion est le mot d’ordre pour les enseignants-chercheurs et pour les établissements. C’est un concept qui paraît neutre mais les critères sont implicitement masculins. RESET permet de problématiser le mot d’ordre de l’excellence, à partir de l’égalité entre les femmes et les hommes et dans une perspective intersectionnelle, c’est-à-dire, en prenant en compte les autres rapports de pouvoir et les autres discriminations, tout cela dans le but de promouvoir une université inclusive.

L’Université de Bordeaux coordonne le consortium au sein duquel Sciences Po évaluera les actions entreprises, l’Université de Lodz (Pologne), l’Université Artistote de Thessalonigue (Grèce), l’Université de Porto (Portugal) et l’Université de Bordeaux mettront en œuvre des Gender Equality Plan (GEP). L’Université d’Oulu (Finlande) et l’Université Ruhr Bochum (Allemagne) sont des universités mentor dans le cadre du projet.

Quelle est l’importance de l’intégration du genre dans la recherche ? Comment l’intégrer ?

La question du genre est multiple et variée, elle concerne d’abord les carrières des femmes et des hommes, mais également celles des personnes qui sont support dans la recherche, très souvent des femmes invisibilisées. Aujourd’hui, les bailleurs de la recherche (ANR ou Horizon Europe) demandent de justifier la prise en compte du genre dans la recherche. Ce sont des questions sur la composition sexuée des équipes, la répartition genrée des tâches, la production de données sexuées et l’interprétation des données. Un module de travail dans le projet RESET y est consacré.

Il existe un outil en ligne, le GIA (Gender Impact Assessment), développé par la Commission européenne. Il permet d’évaluer les impacts en termes de genre, c’est-à-dire, se poser la question de l’impact sur l’égalité femme-homme. Le projet RESET doit décliner, dans le cadre de son Module de travail 7, le GIA dans les activités de recherche, en produisant une liste pour les chercheurs, y compris dans les sciences médicales, technologiques afin de bien contrôler la prise en compte du genre.

En quoi l’excellence scientifique est une notion implicitement genrée ?

La norme de l’excellence scientifique induit une productivité scientifique dans des revues importantes, plus atteignable lorsqu’il existe un système de support dans la sphère privée (s’occuper de la vie de famille). Cela sous-entend également une internationalisation à savoir les séjours de recherche, ce qui est socialement compliqué compte tenu de la répartition sexuée du travail parental et domestique. Enfin, cela insinue aussi l’exercice d’une fonction d’autorité comme direction d’un laboratoire, d’un projet, une équipe. Nous essayons de démontrer que les inégalités genrées ont un impact sur la capacité des femmes et des hommes à démontrer leur excellence scientifique.

Dans RESET, nous souhaitons promouvoir d’autres formes de parentalité, promouvoir la coparentalité ou l’articulation vie privée, vie professionnelle. L’excellence est implicitement masculine mais aussi liée aux trajectoires rapides, aux discriminations raciales, etc. Le projet offre une perspective intersectionnelle qui s’ouvre à partir de l’égalité femmes-hommes.


Quelle est votre opinion sur la charte égalité des genres comme prérequis pour avoir accès aux bourses Horizon Europe ? Pensez-vous qu’il y aura un impact réel ?

Ce sont des dispositions formelles, il faut avoir un plan d’actions. Je crois que ces dispositions sont très importantes, ce n’est pas juste symbolique. Nous travaillons avec l’Université de Lodz en Pologne, qui va produire un plan lui permettant d’accéder aux financements européens. C’est une mesure incitative. De plus, le GEP prévoit aussi un calendrier d’exécution ainsi que les instances qui contrôleront sa mise en œuvre. Le GEP est un élément parmi d’autres susceptible de produire un changement culturel au sein des organisations, y compris pour celles qui sont plus éloignées. En France, nous avons eu la loi transformation de la fonction publique, nous avons tous dû mettre en place des plans d’actions. Nous sommes un peu habitués à ces procédés, mais au niveau européen, cela va produire des dynamiques importantes.