Avril 2018 - Entretien avec le GEGENAA

L’entretien s’est déroulé le 22 mars dernier en présence de Vincent Barbin (DU), Stéphanie Eyssautier, Gilles Fronteau, Céline Schneider et Patricia Vazquez, chercheurs au GEGENAA notamment sur la thématique du patrimoine culturel.

Logo GEGENAA
PV, CS, VB, GF et SE

Pouvez-vous nous donner trois mots-clés qui définissent vos spécialités ?

Vincent Barbin : microscopie, cathodoluminescence et marbre

Gilles Fronteau : archéométrie, pétrographie et calcaire

Stéphanie Eyssautier : biocolonisation, revêtement/traitement protecteur de la pierre

Patricia Vazquez : processus d’altération (thermiques et chimiques dont les sels), granite

Céline Schneider : processus d’altération (thermiques dont gel), milieux poreux et grès

Quelles sont vos thématiques de recherche en lien avec le patrimoine culturel ?

Nous nous intéressons aux circuits et aux transformations des géomatériaux utilisés par l’homme, de l'extraction à la mise en œuvre : recherche des sites d’extraction des temps anciens ou modernes, caractérisation des roches au sein des bassins carriers, de monument ou de sites archéologiques, étude des processus d’altération en vue de la préservation et de la valorisation du patrimoine bâti.

Au GEGENAA, la thématique Patrimoine culturel se décline en deux approches :

  • La caractérisation des géomatériaux (archéométrie, provenance, emploi…)
  • L’étude de l’altération des matériaux et de leur conservation (mécanismes d’altération, produits protecteurs…)

Une attention particulière est portée à la place des matériaux naturels dans le développement durable ou face aux contraintes climatiques.

Cette approche s’intéresse notamment au vieillissement et à la conservation des bâtiments en pierre naturelle. Dans ce but, nous développons un suivi de l'évolution in situ des géomatériaux en œuvre (monitoring environnemental) couplé à des approches expérimentales en laboratoire.

Nous utilisons nos connaissances des géomatériaux et des techniques de caractérisation afin de développer une coopération archéométrique avec les milieux archéologiques institutionnels (universitaires, INRAP et territoriaux).

Depuis plusieurs années se développe également une ouverture sur le développement durable et les agro-matériaux.

Ce large champ d’intervention nous permet de travailler en interaction avec d’autres unités de recherche de l’URCA telles que le GRESPI (thermographie infrarouge), le CReSTIC (agromatériaux), BIOS (biofilms), RIBP (fluorescence chlorophyllienne) et des unités de recherche SHS (Habiter Refoudation).

Pouvez-vous nous donner des exemples d’activités développées dans ce contexte ?

Nous sommes fréquemment sollicités pour des expertises sur des bâtiments ou des œuvres classés au titre de l’UNESCO ou monuments historiques (cathédrale de Reims, basilique Saint-Rémi, chapelle Saint-Joseph, église Saint-André, musée Saint-Rémi, etc.) ou encore pour les parcs naturels.

Nous portons ou collaborons à différents projets Ministère de la Culture d’archéologie sur les meules ou sur la céramique.

Nous sommes également associés à un dépôt de projet ANR, porté par l’UMR Trajectoire de Nanterre, qui étudie les sociétés du Néolithique ancien (-7 000 ans) au travers de l‘organisation sociale et matérielle. Le travail du GEGENAA consistera à faire le lien entre le paysage et les matériaux employés par ces premiers sédentaires (calcaires, grès, parures en fossiles, argiles, etc.).

Nous prenons également part à plusieurs manifestations scientifiques sur la thématique du patrimoine culturel. À titre d’exemples :

  • le Grand Reims, l’INRAP et l’URCA organisent le congrès annuel de la société française d’Étude de la céramique antique en Gaule du 10 au 13 mai 2018.
  • le Colloque IMPACT 14-18 (GEGENAA) – impacts environnementaux et approches spatiales de la Grande Guerre, qui aura lieu le 20-21 septembre 2018 (en lien avec un projet financé par la Région Grand Est 01/09/2014 – 31/12/2018).

Enfin, d’un point de vue Enseignement, nous portons un nouveau master « Archéologie des Géomatériaux, Patrimoine » qui devrait débuter à la rentrée prochaine. Nous intervenons également sur la thématique des géomatériaux en Master « Géosciences et Risques » dans la mention de master 3G du département des Sciences de la Terre.

-Notre activité est régulièrement sous le feu des projecteurs, avec notamment ces dernières années la participation à l’émission Des racines et des ailes « de la Champagne aux Ardennes » ou de l’émission Pourquoi chercher plus loin « La Pierre de Soleil des Ardennes ». Le 27 mars 2016, Thibaud DAMIEN a participé à une émission sur France3 régions sur les "Etangs et marais en Champagne".

-Thèses en cours sur le sujet :

En ce qui concerne les thèses passées nous soulignerons :

  • Le 22 mars 2016, Soizic GIBEAUX a fini 3e ex aequo lors de la 3e édition régionale de « Ma thèse en 180 secondes » pour sa présentation. : Impact des Facteurs Environnementaux sur le Patrimoine Restauré (IFEPAR).
  • Le prix de thèse régionale 2015 de la mise en réseau des acteurs régionaux attribué à Claire PICHARD Sujet de thèse : "La construction de la forme urbaine : approche archéologique et archéogéographique du processus urbain de Reims du début du Moyen-Age à la ville pré-industrielle".

Avez-vous des collaborations internationales sur ces questions (projets acceptés ou déposés) ?

Oui, nous avons aujourd’hui de multiples collaborations au niveaux transfrontaliers et au-delà sur un plan international.

Nous travaillons de façon régulière avec l’Université de Gand. Le rapprochement s’est initié au travers d’un projet Interreg IV A France-Wallonie-Flandres (cf. projet Hybriprotech sur la recherche et la mise au point de revêtements en couche mince de type sol-gel, dans deux secteurs d’activité : la métallurgie et le bâtiment pour la préservation de la pierre). Si le projet est aujourd’hui clôturé, la collaboration perdure avec des accueils de doctorants, des étudiants et des articles scientifiques communs. Par ailleurs, nous avons également des partenariats avec les Universités de Namur et Liège.

Les travaux initiés lors du projet INTERREG IV Hybriprotech ont donné suite à d’autres travaux, comme ceux que nous avons réalisés à l’Abbaye d’Orval, en comparant les pierres des Ardennes et les monuments liégeois (Projet FNRS), ou sur les processus de dégradations des pierres vus en µTomographie Rayons X (collab. U. Gent).

Nous avons un partenariat avec l’Université de Saitama au Japon dans le cadre d’un Memorandum of Understanding (MoU) signé en 2016, du dépôt d’un d’Erasmus + 2018-2020 et d’un post-doctorat. Nous comptons parmi nos autres collaborations les universités d’Alicante, Madrid, Bilbao, Oviedo (Espagne), l’Université d’East Anglia (Angleterre) et des échanges avec l’Allemagne, la Grèce, etc.

Plusieurs membres du GEGENAA ont également effectué des mobilités courtes et nous accueillons régulièrement des chercheurs étrangers. Par exemple, nous avons reçu en 2017 un géologue tunisien pour travailler sur les matériaux romains de la piscine romaine de Gasfa.

Enfin, nous sommes aussi souvent sollicités pour des missions ponctuelles (par exemple en ce moment la restauration des remparts de la ville d’Ibiza).

Quels sont selon vous les défis actuels liés au patrimoine culturel?

Concernant le patrimoine culturel bâti, la difficulté consiste à anticiper l’altération, qui reste inexorable. Il faut développer des procédés de protection et de surveillance (à distance) tout en évitant la dégradation du patrimoine. Innovation et patrimoine culturel font alors bon ménage.

Sur la notion de « Cultural Heritage », il est parfois difficile pour le GEGENAA de s’intégrer, notamment en qualité de porteur, dans les appels à dominance sciences humaines et sociales. Cependant, il existe à l’URCA de fortes compétences sur le sujet et des complémentarités entre différentes Unités de recherche. Il ne manque qu’un important projet en coordination pour notre université !

Pour la thématique archéologique, au-delà de la « simple » caractérisation des provenances, les défis sont d’identifier pourquoi certains matériaux ont été employés plutôt que d’autres. Car certains choix paraissent techniques tandis que d’autres sont plutôt économiques – tout comme dans les sociétés contemporaines.