Septembre 2019 : Entretien avec Laura Lohéac, directrice exécutive, et Hélène Jarry, ingénieure de projets, du programme PAUSE

Nous avons interrogé Laura Lohéac, directrice exécutive du programme PAUSE, et Hélène Jarry ingénieure de projets en charge de l'insertion professionnelle.

Pouvez-vous nous décrire les objectifs du programme PAUSE ?

Le Programme national d’aide à l’Accueil en Urgence des Scientifiques en Exil (PAUSE), créé le 16 janvier 2017, a pour objectif de venir en aide aux chercheurs en danger en accordant des financements incitatifs aux établissements d’enseignement supérieur et aux organismes de recherche publics projetant d’accueillir des scientifiques en situation d’urgence et de les accompagner dans leurs démarches. La plupart des établissements sont directement sollicités par des chercheurs en danger ou identifient des candidats au sein de leur propre réseau.

Toutefois, le programme PAUSE recense également un grand nombre de scientifiques étrangers n’ayant aucun contact au sein des réseaux scientifiques et académiques français. Ainsi, un espace de mise en relation permet aux établissements français volontaires pour l’accueil d’un chercheur de consulter une liste de profils de scientifiques dits « isolés ». Si l’un des profils intéresse l’établissement, ce dernier contacte l’équipe exécutive du programme Pause pour une mise en contact.

Quels sont les avantages pour les établissements français d’accueillir un chercheur en exil ?

Au-delà du devoir éthique face à des situations individuelles souvent dramatiques, la solidarité avec les scientifiques étrangers en situation d’urgence constitue une ressource de savoirs d’un intérêt majeur pour le monde académique et la recherche scientifique et, au-delà, la société dans son ensemble. L’accueil d’un chercheur étranger enrichit le capital scientifique de nos laboratoires et participe au rayonnement de l’enseignement supérieur et de la recherche à l’étranger.

Enfin, le programme Pause représente un soutien financier non négligeable puisque la subvention de co-financement allouée représente 60% du montant total du budget présenté par l’établissement d’accueil. Un co-financement à hauteur de 80% peut être alloué aux établissements présentant plus d’une candidature par appel.

À quelles disciplines appartiennent les chercheurs en exil ? Quel profil ont-ils ?

Les chercheurs en exil accueillis dans le cadre du programme Pause sont issus de toutes les filières et disciplines. En termes de proportion, 2/3 d’entre eux sont spécialisés en SHS, et 1/3 en sciences exactes (sciences & technologies, médecine, matériaux, biologie, etc). Cette forte représentation des sciences humaines et sociales s’explique par le fait que les chercheurs en sciences politiques, philosophie, sociologie sont souvent plus engagés et donc plus ciblés par les régimes politiques (surtout en Turquie). En termes de parité, le programme accueille quasiment autant de femmes que d’hommes parmi les lauréats, toutes nationalités confondues. Enfin, les statuts scientifiques de ces universitaires sont également très variés, avec 1/3 de doctorants, 1/3 de post-doctorants et maîtres de conférence et enfin 1/3 de chercheurs confirmés.

Où trouver les demandes d'emploi de chercheurs étrangers souhaitant bénéficier du programme PAUSE pour venir en France?

Le site du collège de France possède une plateforme dédiée. Sur cette plateforme sont listés, de manière anonyme, tous les chercheurs ayant contacté le programme, et sont indiquées leur discipline et les langues parlées. Les établissements intéressés peuvent contacter les membres du programme PAUSE si un ou des profils les intéressent et sont ensuite mis en relation avec les chercheurs. concernés. Certains chercheurs ont contacté directement des établissements français car ils avaient des réseaux à la suite d’études faites en France par exemple. Pour ceux qui ne disposent pas de réseau en France, il est plus compliqué de trouver un établissement : d’où l’importance de la plateforme et du travail de mise en relation.

Aidons les scientfiiques en exil à se reconstruire en France

Comment rebondir après le programme PAUSE? Quelles alternatives pour les chercheurs une fois le financement épuisé?

Faciliter l'insertion professionnelle des lauréats PAUSE et leur proposer un accompagnement en développement de carrière sont aujourd’hui des priorités du programme PAUSE. En effet, après deux années d’existence, et sur la base des différents retours d’expérience des établissements et des lauréats, la sortie du programme demeure un enjeu majeur pour l’ensemble des parties prenantes.

Dans la mesure du possible, il s’agit ainsi d’aider les scientifiques en exil à se maintenir dans le milieu académique, même après leur sortie du programme Pause. Toutefois, au vu de la réalité de l’emploi dans le secteur académique et de la recherche, il s’agit également de favoriser de nouvelles perspectives professionnelles, notamment dans les secteurs privé, public ou associatif. Pour cela, le programme Pause a mis en place un dispositif global d’accompagnement qui s’articule autour de :

  • La mise en place d’activités collectives et individuelles en lien avec des professionnels des ressources humaines et de l’insertion, telles que les associations Bernard Gregory, Action Emploi Réfugiés ou encore Wintegreat, en vue de mettre à disposition des lauréats les outils et ressources nécessaires à la définition de leur projet professionnel, à la valorisation des compétences transposables du milieu de la recherche vers le monde de l’entreprise, et à une recherche d’emploi optimale.
  • La mise en œuvre d’un dispositif d’accès à la formation à travers l’octroi d’une enveloppe complémentaire à chaque établissement d’accueil. Cette subvention (plafonnée à 5 000€ par an et par personne) permet ainsi aux établissements de mettre en place des plans de formation individualisés en faveur des chercheurs Pause qu’ils accueillent.

Quels conseils donneriez-vous aux établissements souhaitant accueillir un chercheur pour que leur candidature soit acceptée ?

Afin de présenter une bonne candidature, l’établissement doit veiller à ce que le candidat présenté réponde bien à l’ensemble des critères d’éligibilité, le premier étant le critère de danger. Le chercheur peut résider dans son pays d’origine au moment de la candidature, mais doit être dans l'obligation de s'exiler. S’il réside en France, il doit avoir quitté son pays depuis moins de 3 ans.

Le niveau scientifique du chercheur est à prendre en considération dans la candidature (formations effectuées, publications pour les chercheurs confirmés, recommandations, etc).

La qualité du projet scientifique proposé sera également déterminante et l’établissement devra ainsi mettre en valeur la manière dont le programme va permettre au chercheur de poursuivre ses recherches de rebondir en France. Les évaluateurs seront également attentifs à l’accueil et au suivi qui seront accordés au chercheur une fois en France. Il est d’ailleurs indispensable de désigner un référent au sein de l’établissement d’accueil, ce dernier assurera l’accompagnement personnalisé du chercheur tout au long du séjour.

Le programme PAUSE peut par ailleurs venir en aide aux établissements lorsque ces derniers font face à des situations complexes ou des difficultés administratives. Nous bénéficions d’une relation privilégiée avec le Ministère de l’intérieur notamment pour les procédures de demande de titres de séjour.

Un appel à candidatures est en cours et sera clos le 2/10/2019. Le programme sera-t-il prolongé en 2020 ?

Il est en effet d’ores et déjà possible de déposer une candidature dans le cadre de notre appel de la rentrée 2019. Les résultats seront annoncés début décembre. Le programme se poursuivra bien en 2020 et 3 appels sont déjà prévus :

- le 31 janvier pour des résultats début avril

- le 20 avril pour des résultats fin juin

- le 2 octobre pour des résultats début décembre

Il est important de souligner que le programme a aujourd’hui une capacité de financement lui permettant de financer la grande majorité des projets d’accueils proposés, sous réserve bien sûr qu’ils répondent bien aux critères d’éligibilité.