Rencontre avec Florence Fontaine, Coordinatrice de l’ Action COST ManaGTD et Christophe Clément, directeur de l’URVVC

Zoom sur une stratégie de lobbying réussie à l’URCA

Vigne

Nous sommes allés rencontrer Christophe Clément, Directeur de l’URVVC et Florence Fontaine, enseignant chercheur à l'URVVC , dont la thématique des maladies du bois de la vigne est maintenant financée sur Horizon 2020 après un processus de construction de réseau , de communication et de lobbying de plusieurs années.

1. Comment ont commencé vos activités de recherche sur les maladies du bois de la vigne ?

En 2002, la thématique concernant les maladies du bois de la vigne a été initiée au sein de l’URVVC (Unité de Recherche Vignes et Vins de Champagne, EA 4707). Dans ce cadre, l’URVVC a participé à plusieurs Congrès internationaux ICGTD (International Council on Grapevine Trunk Diseases) qui ont lieu tous les deux ans. Lors de ces congrès, des rencontres avec d’autres chercheurs qui travaillent sur cette thématique ont eu lieu et ont permis de constituer un premier réseau.

2. Quelles ont été les étapes jusqu’au dépôt de l’action COST ?

Nous avons commencé à évoquer une action COST dans ce premier réseau. L’objectif était de donner un nouvel élan à la communauté scientifique européenne sur les maladies du bois de la vigne et d’identifier les équipes de recherche les plus dynamiques dans le but, à terme, d’élaborer un projet européen.

En 2010, nous avons déposé une première version de l’action COST qui a été rejetée. Avec les 10 pays participant, nous avons donc retravaillé cette proposition en prenant en compte les évaluations des experts de la Commission Européenne. Nous avons redéposé un nouveau dossier en 2012, qui a été validé dans le courant de l’année 2013.

3. Puis du COST à Horizon 2020 ?

L’action COST FA 1303 ManaGTD, coordonnée par l’URCA, a débuté en novembre 2013. Au sein de ce consortium, nous avons rapidement commencé à réfléchir à un projet soutenu par l’Union Européenne avec 10 membres du COST. Dans un premier temps, l’appel à projet identifié était une Action de Coordination et de Soutien (CSA). Ce type de projet ne finance pas de la recherche stricto sensu mais accompagne de la mise en réseau, des actions de dissémination, de communication, etc. La proposition a été construite avec le cabinet EUROQUALITY, déposée en septembre 2014 et acceptée début 2015. Ce projet, intitulé WINETWORK est porté par l’Institut Français de la Vigne et du vin (IFV). L’URVVC coordonne le groupe scientifique (work package 1) dont l’objectif est de recenser les données scientifiques disponibles sur les maladies du bois à l’échelle européenne.

La prochaine étape consiste à répondre à un appel à projet de recherche « Horizon 2020 » sur un sujet que nous avons identifié et abordé lors d’une réunion de travail du COST en octobre 2015. Nous avons entamé les discussions dès février 2016 afin de décrypter l’offre, délimiter les actions à développer et définir quels partenaires impliquer. Ce fut une étape délicate car nous ne pouvions inclure tous les membres du réseau (25 pays impliqués dans le COST) dans le projet. Il a ensuite fallu identifier le porteur du projet, en fonction des possibilités techniques de l’établissement de rattachement et de la disponibilité des uns et des autres. Le montage et la gestion d’un projet européen requiert beaucoup de temps et d’investissement. Nous sommes parvenus au consensus que le projet serait porté par notre collègue Patrice Rey, chercheur à l’INRA de Bordeaux, avec l’appui d’INRA Transfert. L’URVVC sera toutefois porteuse du « work package 1» axé sur la compréhension de stress climatiques sur l’expression des maladies du bois de la vigne.

3. Avez-vous entrepris des actions spécifiques pour faire reconnaître la thématique par la Commission européenne ?

La labellisation du réseau COST par l’union européenne est en soi un des meilleurs moyens de promouvoir un secteur d’activité. Pour ce qui est du lobbying à proprement parler, l’IFV s’en est chargé dès le démarrage du COST et continue d’y travailler activement, que ce soit au niveau national ou européen. Ensemble, nous avons fait remonter une proposition de « topic » sur notre sujet pour le programme Horizon 2020 en juin 2014, donc pour le programme de travail 2016-2017. La rédaction s’est faite en collaboration avec des membres du COST afin que chacun communique sur le sujet dans son propre pays via leurs Groupes de Travail Nationaux (GTN H2020)

Ces dernières années, l’URVVC a répondu à toutes les sollicitations pour présenter des projets de recherche et communiquer sur l’avancée des résultats, notamment dans des lobbies agricoles. En 2010, nous avions déjà essayé de faire reconnaître le besoin de financer la thématique dans le 7e PCRD via la délégation de Lorraine Champagne-Ardenne à Bruxelles et surtout via le GTN Bio auquel le laboratoire participe.

L’action COST et le projet WINETWORK ont permis de donner une meilleure visibilité à ce sujet et l’URVVC est maintenant identifiée comme une équipe référente sur la thématique par les instances nationales et européennes. L’URVVC a également organisé un Workshop dans le cadre du COST à Cognac, en collaboration avec les maisons de champagne Ets Hennessy & Jas. Dernièrement, nous nous sommes engagés et nous avons obtenu le privilège d’organiser le 10e Congrès du ICGTD (International Council on Grapevine Trunk Diseases) en juillet 2017 à Reims !

Il est certain que cette visibilité, notre participation au GTN Bio et le travail de lobbying accompli à Bruxelles ont permis d’inscrire la thématique dans les appels d’offre du programme H2020, résultat d’un travail de plusieurs années. Pour autant, nous ne sommes pas prioritaires sur l’appel qui couvre aussi d’autres thématiques comme la forêt et qui est très concurrentielle.

4. Enfin, au niveau du laboratoire, quelles sont les retombées de cette activité européenne ?

Au sein de l’URVVC, l’ouverture à l’international n’est pas limitée à la thématique des maladies du bois de la vigne mais correspond à un choix stratégique opéré en commun depuis plusieurs années sur tous les sujets du laboratoire. Cette démarche a d’ailleurs conduit le laboratoire à valider ces dernières années 2 projets Interreg, 1 projet EraNet, 1 projet Arimnet et à participer à un réseau Marie Curie centrés sur la bio-protection des plantes. Sur ce sujet, nous portons par ailleurs une action COST dont nous attendons le retour en octobre 2016.

Au-delà de la visibilité du laboratoire aux échelles nationales et européenne, chaque projet, permet d’une part de financer des thèses et des post-doctorats mais également d’accueillir et/ou d’envoyer des chercheurs/ingénieurs par le jeu de la mobilité. Ainsi sur la thématique maladies du bois de la vigne, nous accueillons actuellement deux ingénieurs de recherche italiens, et deux thèses en co-tutelle, l’une avec l’Université de Florence en Italie, l’autre avec l’Université d’Aveiro au Portugal. En outre, l’action COST offre la possibilité de réaliser ou d’accueillir des STSM (Short Term Scientific Missions). A ce titre, nous avons déjà accueilli un chercheur allemand, une collègue espagnole et bientôt une deuxième et, dans l’autre sens, un doctorant du laboratoire va partir deux mois en Autriche dans le cadre d’une STSM.

Toutes ces mobilités sont particulièrement enrichissantes. Non seulement elles favorisent les échanges scientifiques et techniques valorisant les compétences du laboratoire mais elles renforcent également la reconnaissance et le réseau d’experts de l’unité à l’international.