Mai 2018 - Entretien avec Xavier Coqueret

Xavier Coqueret, Professeur au sein de l'Institut de Chimie Moléculaire Reims (ICMR UMR CNRS 7312), a participé à trois projets financés par l'Agence spatiale européenne et il a été accompagné par la Direction de la Recherche de l'URCA. Deux projets sont en cours actuellement : « Curing-on-demand » et « Fingerprinting of Materials and Processes ».

Il a accepté de partagé son expérience.

Plaque de matériau composite renforcé

Plaque de matériau composite renforcé par un textile de fibres de carbone polymérisé sous rayons X

Crédits : Thèse de M. Krzeminski, URCA-CNRS-EADS

Faciès de rupture après un essai mécanique

Micrographie électronique à balayage d’un faciès de rupture après un essai mécanique de mesure de la ténacité

Crédits : Thèse de M. Krzeminski, URCA-CNRS-EADS

Pouvez-vous décrire en quelques mots les thématiques de recherche en lien avec les technologies spatiales et nous préciser les collaborations internationales que vous avez dans ce domaine ?

Je suis professeur à l’UFR de sciences exactes et naturelles où j’enseigne la chimie, en particulier la chimie des polymères. J’anime d’autre part une équipe de recherche à l’Institut de chimie moléculaire de Reims (UMR CNRS 7312) dans le domaine des matériaux polymères, et plus particulièrement sur la chimie des matériaux composites hautes performances. Ces matériaux, qui associent des renforts fibreux très tenaces à des matrices polymères, présentent un excellent compromis entre masse, performances mécaniques et durabilité, des caractéristiques particulièrement recherchées dans le secteur aérospatial.

Ceci nous a amené à collaborer avec des opérateurs publics tels que le Centre national d’études spatiales (CNES) et l’Agence spatiale européenne (ESA) et des groupes industriels comme Airbus Defence and Space et Ariane Group. Une première série de projets financés par l’ESA avait pour objectif de développer une technologie de rigidification par photopolymérisation dans l’espace de dispositifs ultra-légers et déployables fixés à des satellites (antennes, panneaux solaires). Nous y avons contribué sur le volet chimie et matériaux.

Le projet, qui s’est étalé sur 6 ans (2004-2013), a fait l’objet d’une évaluation fonctionnelle en vraie grandeur, dans des conditions représentatives de vide et champ de température spatial. Ce test a été réalisé avec succès, ce qui ouvre la voie vers la prochaine étape : une validation en conditions réelles dans l’Espace. Nous espérons que cela sera possible à l’occasion d’un prochain appel d’offres.

En ce qui concerne les autres activités à l’international, nous entretenons plusieurs collaborations bilatérales, notamment avec la Thaïlande et la Pologne dans le cadre des initiatives de mise en réseau de l’Agence Internationale de l’Energie Atomique (IAEA). Nous accueillons d’ailleurs cette année à l’ICMR une doctorante thaïlandaise qui bénéficie d’une bourse d’étude de l’IAEA pour étudier la réactivité sous rayonnement de la fibroïne de la soie.

Nous avons également participé à un projet ERASMUS+ porté par l’ICHTJ (Institute of Nuclear Chemistry and Technology) de 2014 à 2017. Il visait à mettre en place un programme commun d’éducation et de formation au sujet du rayonnement ionisant dans le traitement des matériaux polymères.

Pouvez-vous nous présenter les deux projets de l’ESA auxquels vous participez actuellement ?

Le premier des deux projets en cours s’intitule « Curing-on-demand » (Polymerization with latent initiators for high performance composites). Il a pour but de développer des méthodes d’élaboration de matériaux composites à haute ténacité et applicables aux satellites et aux lanceurs. Nous travaillons plus particulièrement sur la comparaison de voies d’activation distinctes pour la polymérisation de formulations polymérisables complexes utilisant la chaleur, un rayonnement UV ou un rayonnement ionisant.

Le projet est porté par la société française RESCOLL et compte comme participants l’entreprise franco-allemande Ariane Group, une PME autrichienne Aerospace & Advanced Composites, le CNRS et l’URCA, via l’ICMR. Le financement d’environ 160 000€ dont nous bénéficions sur les deux années de projet nous permet de travailler avec un post-doctorant et l’acquisition d’équipements.

Le second projet, « Fingerprinting of Materials and Processes » (Reverse engineering for anticipating obsolescence of key materials for satellites) est porté par la société Airbus Defence and Space, associée au CNES, à l’entreprise franco-italienne Thales Alenia Space et l’ICMR. Le projet a pour mission d’anticiper l’obsolescence des produits chimiques (changement de réglementation par rapport à la sécurité, à l’hygiène…) dans le développement des satellites. Il s’agit donc de participer à l’évaluation préalable des risques reliés à l’obsolescence chimique des matériaux utilisés dans la fabrication des satellites, secteur dans lequel les phases de développement et de qualification sont de très longue durée.

Nous intervenons dans ce projet pour une durée initiale de 18 mois et un budget d’environ 93 000 €, avec un premier volet très orienté sur les questions analytiques. L’objectif, à terme, est de poursuivre en proposant des solutions alternatives associant des profils sanitaires et environnementaux satisfaisants et des performances techniques au moins équivalentes aux matériaux existants.

Quelles spécificités trouvez-vous à la participation d’un projet financé par l’ESA ?

D’abord, le contexte de l’exploration spatiale est particulièrement motivant et les technologies sont poussées à l’extrême. Au plan des matériaux, les cahiers des charges avec lequel nous travaillons sont uniques, avec des exigences sans commune mesure. Cela nous pousse à dépasser nos limites. De plus, les partenaires sont très exigeants et demandent des résultats solides et confirmés pour avancer, ce qui contribue à consolider notre expertise scientifique et à explorer des voies inédites. Ensuite, les technologies développées pour le domaine spatial peuvent tout à fait être transposées, par la suite, à des domaines de la vie quotidienne.

Les propositions d’études se font sur appels d’offres ciblés et donnent lieu à une forte concurrence internationale. Le pilotage mené par les experts de l’ESA est très rigoureux, avec des livrables de natures variées échelonnés tout au long du projet, et des jalons à valider avant d’engager les phases ultérieures de l’étude.

Par ailleurs, l’ESA soutient une politique de communication basée sur la dissémination des résultats issus des projets qu’elle finance. Dans ce but, les résultats de nos travaux seront présentés à la conférence ISME 2018 (International Symposium on Materials in the Space Environment) financée par l’Agence en octobre prochain à Biarritz. D’autres ateliers (Workshops) sont également prévus au siège néerlandais de l’ESA, à Noordwijk.

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