Juin 2019 : Entretien avec Michael Krajecki, Nathalie Gaveau et François Alin sur le projet AI4DI

AI4DI

Nous avons interrogé Michael Krajecki, Nathalie Gaveau et François Alin à propos du projet AI4DI "Artficial Intelligence for Digital Industry". Ce projet est cofinancé par le programme H2020 ECSEL, avec un soutien financier à la fois européen et national. L'URCA est partenaire de ce projet.

Les partenaires du projets devant les amphithéâtres de l'université

PRÉSENTEZ-NOUS VOTRE PARCOURS

Michaël Krajecki : Nommé maître de conférences en informatique à mon arrivée à l’URCA en 1999, je suis professeur depuis 2005. Je suis également responsable du centre de calcul ROMEO depuis sa création en 2001. Je travaille actuellement au sein du CReSTIC (Centre de Recherche en Sciences et Technologies de l’Information et de la Communication)

Nathalie Gaveau: Je suis maître de conférences depuis 2003 à l’URCA et membre du laboratoire RIBP (Résistance Induite et Bioprotection des Plantes) spécialiste en physiologie de la vigne.

François Alin : Je suis ancien élève de l’Ecole Normale Supérieure de Cachan, agrégé de génie électrique et docteur de l’université en électrotechnique depuis 2000. J’ai exercé plusieurs années en tant que professeur de prépa au Lycée Roosevelt de Reims avant d’occuper le poste de maître de conférences détaché à l’université depuis 2017.

Pouvez-vous nous présenter brièvement le projet AI4DI et votre rôle dans celui-ci?

L’objectif du projet AI4DI est de mesurer l’impact de l’intelligence artificielle (IA) dans une chaîne de production industrielle. Concrètement, pour l’Allemagne, c’est d’étudier l’impact de l’IA dans le secteur automobile (Audi est un des partenaires) tandis qu’en France l’étude porte notamment sur la production du champagne (Vranken Pommery est partenaire du projet). Les applications sont différentes mais l’enjeu est le même.

Parmi les 40 parties prenantes, Infineon est un groupe allemand fabricant de semi-conducteurs et leader dans la fabrication des puces électroniques. Il est le coordinateur du projet. L’URCA est davantage sur les aspects logiciels, l’entraînement de réseaux et est le seul partenaire du consortium à mettre à disposition l’accès à un supercalculateur opéré par le centre de calcul régional ROMEO.

Le but du projet est d’avoir recours à l’IA pour optimiser la production du champagne : est-il possible de prévenir l’apparition des maladies de la vigne, et ainsi diminuer l’utilisation des intrants ? Le laboratoire RIBP nous apporte ainsi son expertise dans le secteur viticole. C’est aussi pour cela que nous avons contacté Vranken Pommery afin de travailler avec eux sur le projet. Ils ont de suite été intéressés car ils ont un réel intérêt pour le développement du numérique et de l’IA dans le contexte de la smart-viticulture : anticiper les besoins de la plante en ayant recours à la modélisation par les données. Des informations variées (données météorologiques, grandeurs physiques liées au pied de vigne comme le stress hydrique, etc…) seront collectées, analysées et conservées afin d’entrainer des réseaux de neurones profonds. Des technologies variées seront mises en œuvre pour capter l’information : caméras, puces RIFD, capteurs spécifiques : le recours à l’internet des objets (IoT) est indispensable quand on considère qu’un hectare de vigne regroupe de l’ordre de 7500 pieds.

C’est la première fois que le CReSTIC et RIBP travaillent ensemble sur un projet européen. IA et IoT permettront un meilleur suivi des plantes et une meilleure estimation du rendement (avec les moyens actuels, la marge d’erreur sur ces derniers est encore de 30%).

Comment avez-vous été contactés pour rejoindre ce projet européen ? Et pourquoi avez-vous décidé de participer à un projet européen ?

Le projet est né d’une réflexion en France bien avant que l’appel à projet soit publié. L’appel a permis de concrétiser cette réflexion. La société française ST Microelectronics réfléchissait à l’élaboration de nouvelles puces et avait déjà des contacts avec la société Infineon. La question était de savoir comment financer un tel projet liant recherche et innovation sur une application concrête du monde industriel. L’URCA était en contact avec la société ST Microelectronics. Puis le groupe s’est agrandi avec les partenaires côté logiciel (Infineon, ST, URCA, …) et les partenaires utilisateurs finaux (Audi, Vranken Pommery).

Le projet AI4DI est un projet regroupant 40 partenaires. Ce consortium représente-il un bon moyen d’élargir son réseau européen ?

Un projet à 40 partenaires peut permettre de profiter des expertises de chacun pour de futures collaborations en effet. Il permet aussi de recruter des experts tels que les deux postdoctorants du CReSTIC et RIBP. Lamine ChemChem avait déjà travaillé sur les prévisions de rendement des grandes cultures (il avait remporté un concours national sur cette thématique) en associant IA et puissance de calcul. D’un autre côté, Marine Rondeau a réalisé sa thèse au RIBP sur la vigne et les changements climatiques. Enfin, outre la collaboration entre laboratoires, ce projet permet d’entreprendre une collaboration entre partenaires publics (universités) et privés (industriels). Le lancement du projet à Reims a permis à la majorité des partenaires de découvrir notre université.

Quelles sont les opportunités que vous ouvre un projet européen qu’un projet national ne procure pas ?

Le projet européen, avec le soutien de la DGE coté Etat, nous permet d’obtenir des financements assez conséquents pour mener à bien de gros projets. CE projet offre aussi :

-la possibilité d’élargir notre réseau et d’envisager des projets futurs avec les mêmes partenaires ;
-de renforcer notre crédibilité dans la stratégie de la région Grand Est sur les thématiques Bio-économie et l’Intelligence Artificielle. C’est un projet concret qui vient illustrer une volonté politique.

Quelles difficultés avez-vous rencontrées pour participer au projet européen ?

Un des freins des projets européens reste la lourdeur en termes de coordination et en amont concernant le montage du projet. Cela est aussi lié à la taille du consortium et au double financement : un cofinancement européen avec le programme Horizon 2020 et un cofinancement national. Chaque partenaire doit répondre aux obligations de son propre pays pour le cofinancement national.

Par ailleurs, le montage a été très chronophage. De nombreuses conférences audio ont été organisées entre les 40 partenaires, puis par Work Package. ST Microelectronics et Infineon ont dédié respectivement un consultant et un manager de projet à 100% pour monter le projet.

Quels sont vos conseils à donner aux chercheurs qui souhaiteraient se lancer dans un projet européen ?

Il est nécessaire d’anticiper le projet et de ne pas attendre la parution de l’appel européen. Il est préférable de définir le projet en amont et d’identifier au plus tôt les partenaires potentiels. Sur ce projet, nous avons commencé à travailler plus d’un an avant la publication de l’appel.