FEVRIER 2021 : INTERVIEW DE PIERRE SÉRY ET FRANÇOISE DROUARD

INTERVIEW SUR L’ERC DE PIERRE SÉRY, RESPONSABLE DU SERVICE PARTENARIAT ET VALORISATION À LA DELEGATION CENTRE-EST DU CNRS, ET DE FRANÇOISE DROUARD, CHEFFE DE PROJET AU CNRS.

Pouvez-vous brièvement vous présenter et expliquer vos missions au sein du CNRS ?

(Pierre Séry) J’ai pris la direction du Service Partenariat et Valorisation il y a 4 ans. Le service a deux grandes missions : accompagner les chercheurs dans leurs relations avec les entreprises (valorisation de la recherche, propriété intellectuelle) et l’aide au montage de projet. Nous nous occupons également du suivi et de la justification des projets européens.

(Françoise Drouard) Je suis cheffe de projet au sein du service partenariat et valorisation depuis 2 ans. Notre objectif est de repenser l’accompagnement du chercheur pour le dépôt de projets au-delà d’un accompagnement centré uniquement sur les questions administratives et budgétaires.

(PS) Historiquement, nous sommes dans un service qui s’est habitué à attendre que les projets arrivent des chercheurs. Il fallait trouver comment accompagner réellement les laboratoires et les aider à augmenter leurs ressources propres avec peu de moyens humains.

(FD) L’ERC est un sujet important, une priorité pour le Service et le CNRS.

(PS) C’est un sujet à très forte valeur ajoutée pour des stratégies d’établissements et de site.

Comment accompagnez-vous vos chercheurs dans le processus de candidature ? Quels outils utilisez-vous ?

(PS) Lorsque le CNRS a souhaité réorienter sa stratégie vers l’obtention d’ERC en mettant en place une politique incitative, nous nous sommes rendu compte que nous n’étions pas efficaces et que nous ne répondions pas à toutes les questions posées. Le critère majeur est la science mais malheureusement, un excellent projet mal marketé a moins de chance de réussir qu’un bon projet bien marketé.

Nous avons donc construit il y a 2 ans et demi, la méthode « Greenlight » : nous transformons les critères d’évaluation en questions que peuvent se poser les évaluateurs, puis nous organisons un entretien calibré sur 1h30-2h. En fonction des réponses du chercheur, une couleur est attribuée, d’où le nom « Greenlight » (Vert : l’argumentaire est parfait, Orange : à améliorer, Rouge : il n’est pas prêt pour l’instant). Cela permet de donner rapidement au chercheur une vision des attentes de l’ERC, de savoir si son projet et son profil correspondent, puis de construire son argumentaire pour son dossier. C’est un gain de temps considérable.

(FD) Nous intervenons ensuite sur la partie « Step 1 » : la partie B1 (le synopsis), la partie B2 étant plus teintée scientifique. L’objectif est de passer cette première étape.

(PS) Nous avons repris dans les ERC financés des « phrases d’attaque », « des phrases-clés » pour aider nos candidats à rendre leur synopsis plus percutant.

Les résultats sont prometteurs puisque nous avons quasiment doublé la moyenne de dépôts et avons augmenté le taux de réussite en step 1 en passant de 14% à 37%. Sur les deux dernières années nous avons obtenu deux ERC et nous en espérons un en Advanced Grant cette année.

Une fois que le chercheur a bénéficié de l’accompagnement « Greenlight », faites-vous appel à un cabinet pour la phase écriture ?

(PS) Nous avons parfois recouru à un cabinet mais cela n’a pas été si concluant. Dans certains cas, avec certains chercheurs très prometteurs qui ont besoin de plus d’accompagnement cela peut cependant être nécessaire.

Quel est l’intérêt pour un chercheur de candidater à un appel ERC ?

(FD) La reconnaissance !

(PS) Et les moyens financiers importants !

L’ERC est le meilleur outil trouvé pour lancer des vrais projets de rupture avec de réels moyens et ambitions. C’est un projet de toute une vie avec l’idée d’être un chercheur impactant pour sa communauté, qui va apporter de nouvelles voies dans la science. Pour les jeunes, ça donne une certaine autonomie et l’opportunité de pouvoir être leader d’une équipe, avec une aura internationale. Au-delà de tout ça, l’ERC a d’autres vertus. Même si on échoue, cela peut donner un cap à un chercheur qui va se dire « ça c’est le projet que j’aimerais faire pour ma carrière ». Certains nous ont sollicité, ont fait l’exercice avec nous, et ont finalement décidé de déposer dans 5 ans.

Dans quelles mesures le fait d’avoir obtenu des bourses individuelles (IUF, Marie-Curie, JCJC, ANR) facilite l’obtention de projets ERC ?

(PS) Ce sont des indicateurs parmi d’autres. C’est important mais ce n’est pas si impactant sachant que les évaluateurs européens ne connaissent pas toujours nos systèmes nationaux.

Quelles sont selon vous les qualités requises pour être un potentiel lauréat ERC ? Comment détectez-vous un bon candidat ?

(PS) De manière générale, avoir une aura internationale et être reconnu comme un leader dans sa communauté est très attendu.

(FD) Pour revenir aux dispositifs mis en place, en amont, il y a tout un travail de détection qui est fait au niveau Starting et Consolidator. Ce n’est pas forcément le chercheur qui vient vers nous. Si nous détectons des potentiels, nous leur expliquons que leur profil peut correspondre à un ERC. Ce sont souvent des chercheurs qui au départ s’auto-censurent car il y a un côté excellence qui peut faire peur. Au-delà du profil du candidat, il est important d’échanger sur la nature du projet, il arrive qu’il ne soit pas en phase avec les attentes et exigences de l’ERC.

(PS) Pour la catégorie Starting (2-7 ans après la thèse), nous avons visé large en allant aussi chercher des post-doc non-titulaires. Les jeunes débutants sont tous à égalité sur la ligne de départ. Ce qui fait la différence, c’est le projet. Pour les Consolidator (7-12 ans après la thèse), nous sommes plus vigilants sur le background scientifique. Ils ont également plus de chances de réussir que les Advanced (>12 ans après la thèse) pour lesquels c’est plus compliqué en raison de la sélectivité et de la très grande aura internationale.

La vertu de notre méthode est que nous avons réussi à convaincre des chercheurs qu’ils pouvaient avoir un ERC alors qu’il y a une vrai auto-censure.
Un message pour les enseignants chercheurs : n’ayez pas peur !