Février 2020 : Entretien avec Thomas Guillard

Entretien avec le professeur Thomas Guillard, détenteur d'un projet NIH

Portrait de Thomas Guillard

Pouvez-vous vous présenter ?

Je suis pharmacien-biologiste et ancien interne des hôpitaux de Reims. Après mon internat de biologie médicale, j’ai été assistant hospitalo-universitaire. A la suite de celui-ci, j’ai obtenu mon Doctorat d’Université et suis actuellement Professeur des Universités – Praticien Hospitalier. Je partage donc aujourd’hui mon temps entre mon activité de biologie médicale que je pratique à l’hôpital et mes activités d’enseignement à la faculté de médecine et de recherche au sein de l’Inserm UMR-S 1250 P3Cell.

Comment avez-vous pris connaissance des appels que proposaient le NIH ? Connaissiez-vous cette possibilité de financement avant d’y être directement impliqué ?

Après mon Doctorat d’Université, je suis parti une année complète aux États-Unis, entre 2013 et 2014, en tant que chercheur post-doc au Brigham and Women’s Hospital, affilié à Harvard Medical School et qui est l’un des deux plus importants hôpitaux de Boston. J’ai travaillé sous le mentorat des Prs Gerald B. Pier et David Skurnik. Lors de cette année où je me suis consacré exclusivement à la recherche, j’ai pu appréhender le système américain de financement de la recherche. Bien qu’ayant découvert le financement par différents « grants » du NIH, je n’étais pas impliqué directement.

Comment avez-vous été amené à déposer ce projet et comment s’est déroulé le montage/dépôt ? De quel institut spécifique découle-t-il ?

J’ai noué des contacts à Boston pendant mon année de post-doc au Brigham and Women’s Hospital.

En 2017, je suis reparti à nouveau 2 mois en mission temporaire dans le laboratoire du Pr Gerald B. Pier. J’avais un projet de recherche, en collaboration avec David Skurnik et lui, qui collait parfaitement à la future intégration de l’unité EA 4697 du Pr de Champs avec l’unité Inserm UMR-S 903. Je travaille à comprendre comment des bactéries résistantes aux antibiotiques peuvent être plus virulentes vis-à-vis de l’épithélium respiratoire afin de pouvoir proposer de nouvelles pistes thérapeutiques et de pallier aux impasses des traitements auxquelles ces bactéries résistent.

Lors de ce dernier séjour, j’ai rencontré le Dr Sophia Koo, qui cherchait des spécialistes dans le domaine de la bactériologie pour un projet de recherche qu’elle envisageait de soumettre au NIH pour obtenir un Grant RO1 (Programme de subvention de projet de recherche du NIH). Le projet est donc financé par le NIAID : National Institute of Allergy and Infectious Diseases. C’est surtout l’équipe américaine, et plus particulièrement Sophia Koo, qui a monté et déposé le projet puisque, en tant que partenaire français, nous dépendons directement du porteur américain.

Vous faites partie d’un projet NIH depuis 2018 ; pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste le projet et le rôle qui vous a été attribué ?

La résistance bactérienne aux antibiotiques est considérée par l'OMS comme l'une des plus grandes menaces pesant sur la santé. L’OMS estime qu’il y aura 10 millions de morts par an dus aux bactéries résistantes aux antibiotiques. Dans les pulmonaires comme la mucoviscidose, la broncho-pneumonie chronique obstructive ou les pneumonies en réanimation, ce problème entraîne des difficultés de traitement, une prolongation des hospitalisations, une augmentation des dépenses médicales et une hausse de la mortalité. L'équipe Inserm UMR-S 1250 P3Cell s'intéresse au lien entre résistance aux antibiotiques et virulence vis-à-vis de l'épithélium respiratoire des bactéries à l'origine des infections pulmonaires. Dans ce cadre, l'équipe collabore avec l'Institut Necker Enfants Malades (Inserm U1151, Paris 5), et le Brigham and Women's Hospital (Harvard Medical School, Boston) à ce projet de recherche du NIH (R01). L’équipe américaine de ma collègue, Sophia Koo, a mis au point une méthode non invasive de détection des métabolites exhalés lors de l'infection pulmonaire d’étiologie bactérienne. L'objectif est de pouvoir identifier des signatures de métabolites spécifiques de bactéries résistantes qui permettront de déterminer si l’infection est due à une bactérie résistante ou non et ainsi d'adapter l'antibiothérapie rapidement. A Reims, nous construisons et caractérisons des souches bactériennes porteuses de déterminants de résistance bien précis qui seront ensuite testées à Boston. Le projet finance principalement nos dépenses en consommables. Notre participation au projet est facturée à hauteur du budget prévu au montage à l’équipe américaine, qui reçoit les fonds directement du NIH.

Au niveau scientifique, comment se passe l’échange avec les équipes américaines ? Y a-t-il un reporting régulier à effectuer au NIH ?

Les échanges avec l’équipe américaine et les autres partenaires sont fluides, étant donné que le projet avait été bien pensé et construit en amont. Nous échangeons principalement par skype, mails et téléphone. Les échanges ne sont pas formalisés mais s’effectuent en fonction des besoins. Au niveau du reporting, nous n’avons pas eu à fournir de rapport scientifique pour le moment, c’est un engagement moral. J’ai simplement eu à échanger avec la Cellule Projets Internationaux pour les rapports financiers qu’a pu demander le NIH. Bien que le montage et le suivi soient lourds administrativement parlant, je l’ai peu ressenti au niveau de la recherche.

Envisagez-vous une suite à ce projet ? Recommanderiez-vous la participation à un projet NIH aux chercheurs l’URCA ?

Nous espérons la poursuite de notre collaboration avec Sophia Koo mais il est encore trop tôt pour parler de suite au projet.

Oui, je recommande aux chercheurs de l’URCA de participer à un projet NIH si l’occasion se présentait. C’est une manière extérieure de rendre compte de la qualité de travail du chercheur français. C’est une reconnaissance qui est donné à votre travail et une collaboration humaine qui offre une belle expérience d’échange et de partage des pratiques. Même si les tâches administratives peuvent sembler nombreuses et que les façons de travailler sont très différentes entre la France et les Etats-Unis, nous sommes soutenus à l’URCA sur les aspects financiers et administratifs.