Rencontre avec Michael PEVZNER et Hideyuki ISHI

accord-cadre URCA et Université de Nagoya
L’accord-cadre signé le 16 mars 2017 entre l’URCA et la Graduate School of Mathematics de l’université de Nagoya porte la marque d’une coopération ambitieuse qui, née de rencontres et d’échanges sur le terrain, a permis de poser les jalons d’une nouvelle communauté scientifique. Cet accord devrait apporter légitimité, force et cohérence aux actions structurelles qui viendront le nourrir.
La Cellule Projets Internationaux accompagne les acteurs de cette coopération dans la recherche des dispositifs de financement destinés à appuyer de futures collaborations, ainsi que le montage et la gestion de leurs projets.

Pouvez-vous présenter votre parcours en quelques mots ?

Professeur ISHI

Pr. ISHI : Je suis Associate Professor à la Graduate School of Mathematics de l’université de Nagoya et, en parallèle, chercheur dans le programme PRESTO (Precursory Research for Embryonic Science and Technology) piloté par la JST (Japan Science and Technology Agency). Mes recherches sont, de façon générale, orientées vers la généralisation de la notion de cône de révolution, qui est l’un des solides les plus parfaits dans notre monde en 3D. J’ai, pendant longtemps, étudié ces cônes dans une perspective de mathématiques pures et je suis maintenant de plus en plus intéressé par les applications de la théorie des cônes aux statistiques et à la théorie de l’optimisation.

Pr. PEVZNER : Je suis enseignant-chercheur au Laboratoire de Mathématiques de Reims où je travaille dans le domaine de la théorie des représentations des groupes de Lie. Les mathématiciens aiment bien donner des noms très imagés et incompréhensibles aux notions qu’ils manipulent. En réalité, il s’agit de l’étude des symétries des objets, souvent de dimension infinie, qui apparaissent dans le contexte de la physique quantique.

Professeur PEVZNER

Que vous ont apporté les mobilités que vous avez eu l’occasion d’effectuer dans le pays partenaire ?

Pr. ISHI : Je travaille en collaboration avec plusieurs chercheurs en France. Nous appartenons au groupe de recherche sur la théorie de la représentation de nos pays respectifs, et nos deux groupes sont liés par des échanges anciens et très dynamiques. Nous avons en commun un même intérêt et un même parcours mais nous avons une perspective et des techniques légèrement différentes en raison des traditions propres à chacune des communautés scientifiques. C’est pourquoi ma collaboration avec des mathématiciens français est toujours très stimulante et fructueuse.

Pr. PEVZNER : Personnellement, j’entretiens un lien privilégié avec les Mathématiques japonaises qui m’ont beaucoup influencé à l’époque où j’étais doctorant. Depuis, j’ai la chance de travailler avec plusieurs collègues de l’université de Tokyo et je trouve cette expérience mutuellement enrichissante sur le plan scientifique. Grâce à une réelle synergie de nos compétences nous avons obtenus une série de résultats originaux qui viennent de paraître sous forme d’une monographie chez Springer-Nature.

Pouvez-vous nous dire quelques mots sur le projet scientifique qui vous a réuni, les 15 et 16 mars derniers, dans le cadre de ce premier workshop Reims-Nagoya ?

Pr. PEVZNER : Le workshop a eu pour but d’initier des collaborations interdisciplinaires entre les spécialistes de la théorie des groupes et les statisticiens dans le domaine de la géométrie d’information. Il s’agit d’un sujet en plein essor qui a été initié par des chercheurs japonais et dont l’idée novatrice consiste en l’application des méthodes de la géométrie non-euclidienne pour l’analyse des données statistiques.

Comment est né ce projet d’accord de coopération ?

Pr. PEVZNER : M. Ishi et moi travaillons, à l’origine, sur le même objet d’étude ce qui nous a amené à nous croiser régulièrement à l’occasion de colloques. Je connaissais déjà le Japon pour avoir effectué une mobilité à Tokyo. Mais l’envie de tisser des liens plus étroits est venue du projet de jumelage politique entre les villes de Reims et de Nagoya. J’y ai vu comme une occasion d’institutionnaliser nos échanges scientifiques et de leur donner un nouvel élan.

Sur quelles nouvelles actions de coopération l’accord devrait-il déboucher ?

Pr. ISHI : Nous construisons pas à pas notre coopération, et ceci depuis déjà près de quinze ans. Dans ce même état d’esprit, nous envisageons le lancement d’un deuxième workshop Reims-Nagoya après le succès de celui que nous venons d’achever. Notre volonté commune sera également de développer les mobilités des doctorants et des jeunes chercheurs.

Pr. PEVZNER : Plusieurs pistes de financement peuvent être étudiées, parmi lesquels le PHC (Programme Hubert Curien) Sakura, dédié aux échanges scientifiques avec le Japon et qui a le mérite de valoriser les jeunes chercheurs, ou éventuellement d’autres bourses de mobilité proposées par les ambassades pour soutenir ponctuellement un projet bilatéral ainsi que les programmes européens. Mais ceci nécessiterait d’étendre notre partenariat à un ou plusieurs pays tiers de l’UE.

Quelles sont, d’après vous, les principales différences entre l’organisation française de la recherche et son organisation japonaise ?

Pr. ISHI : Le système français apparaît, de l’extérieur, très complexe, notamment du fait de l’affiliation à différents corps de recherche que peut parfois revendiquer un chercheur, le fonctionnement d’une UMR n’a pas d’équivalent au Japon. Par ailleurs, la frontière entre le monde de la recherche et celui des entreprises est beaucoup plus poreuse au Japon. Les étudiants essaient d’avoir des contacts réguliers avec les entreprises, notamment locales (Nagoya est la ville mère de Toyota), et une partie importante de la recherche est soutenue par le financement des entreprises.

Pr. PEVZNER : En effet, certains parcours de chercheurs japonais, faisant intervenir des passerelles entre les secteurs privé et public, restent encore trop rares en France.