Spectrométrie Expérimentale & Analyses
Spectromètre TF 125HR couplé avec une cuve multi-passages de 2 m de base
Spectrométrie de la vapeur d’eau et applications aux études planétaires
De récents spectres de H2O enrichi en 18O ont été enregistrés à l’aide du spectromètre TF de Reims fonctionnant en mode « pas à pas » dans la région de 6400 à 9450 cm-1. Les parcours d’absorption vont jusqu’à 1,2 km. Cette étude menée avec notre collègue S. Mikhailenko de l’IAO de Tomsk est une étude de longue haleine qui fait suite à celle menée sur l’isotopologue principal Régalia, et al. JQSRT, 136 (2014) 119, pour proposer une nouvelle liste expérimentale de paramètres de raies dans la région définie ci-dessus.
Ces dernières années, nous nous sommes concentrés à travers différents projets, sur les mesures d’intensité de raies sur plusieurs régions spectrales et nous proposons maintenant de nous orienter vers la mesure des coefficients d’élargissement, autre paramètre de raie crucial pour définir parfaitement les profils de raie d’absorption des molécules. En effet, dans les bases de données principalement adaptées aux études atmosphériques terrestres, seuls les paramètres d’élargissement par l’air sont disponibles. Les plus proches planètes voisines de la Terre, Vénus et Mars, ont une atmosphère composée principalement de CO2 (95-96%). De récentes études de Vénus par l’instrument SOIR (Solar Occultation in the Infrared) à bord de Venus Express, ont montré la présence de composés gazeux minoritaires comme la vapeur d’eau (Vandaele et al, J. Geophys. Res., 113 (2008) E00B23).
Afin d’améliorer la restitution des informations satellitaires et de mesurer avec précision l’abondance de ces espèces mineures, il est indispensable d’avoir accès à des valeurs de coefficient d’élargissement par CO2 et ce notamment pour H2O. Nous avons donc enregistré au GSMA de nouveaux spectres de vapeur d’eau élargi par du CO2, cela a permis une étude des paramètres collisionnels de raies. Cette étude est réalisée en collaboration avec le BIRA-IASB (Institut royal d’Aéronomie spatiale de Belgique) afin de déterminer l’impact de nouveaux paramètres sur la restitution des données satellitaires et également avec le Dr H. Tran du LMD, apportant son expertise sur un nouveau profil de raie (Ngo et al. JQSRT, 129, (2013) 89).
Les bases de données spectroscopiques internationales sont elles aussi en attente de paramètres collisionnels adaptés à l’étude d’autres atmosphères que l’atmosphère terrestre. Ce projet s’inscrit donc dans une des problématiques actuelles en spectroscopie. De plus les études de planète comme Vénus devraient permettent également de répondre à des questions importantes que l’on se pose sur la Terre et son histoire, et peuvent servir à comprendre notamment des aspects climatiques de notre planète.
Les études (A) et (B) ont été réalisées à l’aide de notre installation expérimentale précédente avant l’acquisition du spectromètre Bruker 125HR (voir ci-dessus), à savoir à l’aide d’un spectromètre TF de type Connes construit au laboratoire fonctionnant en mode pas à pas : voir photos
Nous sommes également responsables de la tâche 1 « spectroscopie » dans un projet ANR intitulé « WaVIL» (Lidar vapeur d'eau pour la mesure de l'isotope HDO dans la basse troposphère), dont le porteur est Cyrille Flamant (LATMOS). Ce projet consiste au développement d’un LIDAR à absorption différentielle compact, transportable pour mesurer la concentration de H2O/HDO, avec une grande résolution spatio-temporelle dans la basse troposphère. Notre implication porte sur la spectrométrie de la vapeur d’eau dans la région spectrale d’émission du LIDAR (autour de 1.98 µm). Les deux autres partenaires principaux de ce projet sont le LATMOS et l’ONERA. Les spectres sont enregistrés actuellement au laboratoire avec le spectromètre Bruker 125HR et plusieurs cellules d’absorption.
PRÉSENTATION DE LA PARTIE ANALYSES
Les analyses consistent, dans un premier temps, à attribuer les nombres quantiques de vibration et rotation correspondant aux états de départ et d’arrivée pour chacune des transitions observées dans les spectres . Cette étape est incontournable, pour deux raisons :
1. Pour la connaissance de la molécule, plus précisément les fonctions qui décrivent les énergies (fonction potentielle), les intensités (fonction moment dipolaire), ou la géométrie à l’équilibre.
2 A. Pour toutes les applications en aéronomie, où il est nécessaire de connaître les variations d’intensité des transitions observées par satellites, ballons, et autres plateformes aéroportées. Ces variations, dues aux différentes températures de l’atmosphère ne pourraient pas être connues.
2.B. L’ensemble des transitions donc utilisées pour leur identification et leur quantification et ce pour chacune des molécules est de plusieurs centaines de milliers. Il est « naturellement » impossible de toutes les enregistrer. L’étape de l’analyse consiste à réduire ces centaines de milliers d’observations en un nombre de paramètres restreints, ayant un sens physique, qui soient capables non seulement de reproduire ces observations avec une précision égale à la précision expérimentale, mais également de calculer toutes les transitions non observables en laboratoire, mais qui contribuent aux absorption atmosphériques.
Analyse des spectres infrarouges : exemple d'attributions de transitions rovibrationnelles de l'ozone dans la région de 6100 cm-1 (1.6 micron). Spectres enregistrés par CRDS en collaboration avec le LSP - Grenoble.
Les transitions sont donc des différences d’énergie entre niveaux, tenant compte de règles de sélection. Les niveaux se calculent en résolvant les équations de Schroedinger HΨ=EΨ, où H est l’hamiltonien de vibration-rotation. Celui-ci s’écrit en fonction de paramètres, souvent effectifs et d’opérateurs représentant le moment angulaire. L’action de ces opérateurs étant connue en mécanique quantique, les niveaux d’énergie s’expriment finalement sous forme algébrique (molécules symétriques) en fonction des nombres quantiques et des paramètres précités, comme les constantes de rotation, par exemple. Pour les molécules dites asymétriques, les calculs nécessitent des diagonalisations numériques. Les attributions sont en général basées sur le fait que l’état de départ est connu. Comme plusieurs transitions aboutissent à un même niveau d’arrivée, les différences entre les valeurs observées et les valeurs calculées (obligatoirement fausses au départ) sont identiques. C’est le point de départ pour les éventuelles attributions. Ensuite, il est nécessaire de calculer les intensités. Là encore, le calcul est effectué en utilisant la mécanique quantique. Les calculs des transitions sont finalement comparés par spectres synthétiques aux observations.Ces attributions nécessitent beaucoup de temps, de rigueur, et sont souvent complexes.
A titre d’exemple, 40.000 transitions ont été attribuées pour la molécule d’ozone 16 O3.