Conclusions (provisoires)A travers les différentes séances, les observations des comportement élèves et de leur mode d'utilisation du tableur confortent les intuitions de simple bon sens :
1. Le passage de l'objet à l'instrument
Pour que les élèves transforment un objet (le tableur, ici, en ce qui nous concerne) en instrument, des conditions préalables nous semblent devoir être remplies :
* l'élève doit avoir mûri un projet personnel de résolution de problème, dans lequel il imagine, à un stade de la recherche, que le tableur peut répondre mieux que lui-même à certaines questions ; le professeur doit bien sûr proposer des situations qui donnent une telle représentation du tableur, mais l'utilisation ponctuelle sous la seule injonction de l'enseignant ne suffit pas : l'idéal serait que le tableur soit toujours disponible, et que les situations numériques ou algébriques proposées en classe de mathématiques laissent en permanence le choix d'y recourir.
* la fréquentation de l'objet doit être régulière, quasi quotidienne ; à la limite si l'objet ne devient pas la propriété de l'utilisateur, le transfert a peu de chances de se faire. On a constaté cela avec les calculatrices : les élèves performants sont ceux qui possèdent leur outil, et peuvent en faire usage au-delà des heures de cours.
* concernant cet objet, le contrat élève-professeur doit être explicité : l'élève vit ces séances tableur, comme toute séance d'enseignement, dans un contexte d'évaluation potentielle. Il n'est jamais étranger à la motivation (cela sera-t-il noté un jour ? Que faudra-t-il savoir faire ?). Cela pose le problème du statut attribué explicitement par le professeur à une résolution de problème utilisant le tableur, dans une situation ou cette possibilité serait effectivement donnée à l'élève (envisage-t-on par exemple, actuellement, d'évaluer au collège la compétence à gérer une situation statistique avec le tableur ? à résoudre une équation empiriquement ? Quelle "valeur" accordée, par rapport à une résolution algébrique "canonique" ? ).
En résumé, l'élève devrait connaître une palette de possibilités de résolution de la machine, l'utiliser souvent (ce qui suppose que les problèmes donnés le favorisent), voire posséder un tableur, et connaître explicitement les conditions de réinvestissement des connaissances techniques acquises.
2. Le contrôle de l'affichage
Nous n'avons jamais constaté de questionnement préalable sur l'affichage de la machine : on lui fait a priori la même confiance qu'à la calculatrice. L'évidence qui s'impose se résume ainsi : pour qu'il y ait doute sur l'affichage du résultat, il faut une représentation préalable de ce résultat et un conflit avec cette représentation. C'est la cas par exemple dans la recherche d'une meillleure approximation d'une solution d'équation, lorsque qu'une expression testée avec des valeurs différentes donne un affichage constant.
3. Quelle représentation construite des mathématiques ?
L'expérimentation a été trop morcelée, et trop courte pour avancer quelque certitude dans ce domaine. Il nous a semblé cependant que les élèves prenaient plaisir à l'utilisation de cet outil, découvraient un peu sa puissance potentielle, ainsi que la possibilité de faire des "mathématiques expérimentales" dans le domaine numérique. Mais plus que la représentation que les élèves vont se construire, ce qui s'est imposé avec évidence, c'est le formidable outil de médiation que devient l'ordinateur, révélateur de leurs représentations actuelles. Le comportement des adolescents face à l'écran est tout autre que devant la feuille de papier. Interlocuteur inlassable, l'ordinateur magnétise l'attention, renvoie une réponse immédiate, initie un questionnement entre actions et réactions, et paradoxalement, donne un statut renforcé au professeur qui devient le recours en cas d'incompréhension ou de blocage. Dès lors, un dialogue s'installe, constructif, car attendu par l'élève.