- 2012 -

Monarchies postrévolutionnaires 1814-1848


B. Goujon
, Histoire de la France contemporaine, t. II. Monarchies postrévolutionnaires (1814-1848), Paris, Seuil Éditions, 2012, 443p.

Prise entre la légende dorée napoléonienne et le mythe républicain, attaquée de toutes parts pour des raisons politiques et idéologiques et privée des courants qui auraient pu s’en revendiquer et la défendre, la monarchie censitaire a longtemps fait l’objet d’un refoulement collectif et a été traitée comme une simple parenthèse réactionnaire, une hérésie au regard du sens de l’histoire, a fortiori de l’histoire de France.C’est faire naïvement crédit aux bruyantes proclamations de retour en arrière ; c’est se montrer plus royaliste que le roi de ne pas voir combien, par sa redéfinition de la légitimité du pouvoir, par son renouvellement du personnel politique, par le pragmatisme inédit d’un pouvoir soucieux de se concilier ses administrés, par l’acclimatation du parlementarisme et de certaines libertés civiles et politiques, par sa recomposition tendue des hiérarchies sociales, par son effervescence intellectuelle et artistique, la Restauration, puis la monarchie de Juillet, sont synonymes de rénovation, et donnent alors au pays une place à part dans le concert des nations.La France et les Français s’engagent dans une douloureuse réinvention de leur passé et s’adonnent à des projets d’avenir qui bouleversent les rapports de force et recomposent les lignes de clivage d’une société en pleine transformation.

Monarchies postrévolutionnaires
Violences et passions dans le Paris de la Renaissance


D. Roussel
, Violences et passions dans le Paris de la Renaissance, Seyssel, Champ Vallon, 2012, 394p.

Capitale politique du royaume de France, monstre démographique et chaudron social sans cesse bouillonnant, Paris est-elle également la capitale du crime?
Cela ne fait aucun doute pour les chroniqueurs bourgeois de la Renaissance, persuadés de voir proliférer le crime organisé à l’intérieur des murailles de la ville, réactivant ainsi, à la faveur des grandes crises du siècle, les stéréotypes de l’insécurité urbaine. C’est également le discours que tient la Couronne, pour laquelle dénoncer l’insuffisance de la police parisienne permet de faire progresser la tutelle royale au détriment des autonomies anciennes de la bonne ville.
Les sources de la pratique judiciaire livrent pourtant une tout autre image de la criminalité parisienne au XVIe siècle. Fréquente et ritualisée, la violence ordinaire est d’abord le fait d’une jeunesse masculine en mal d’intégration professionnelle et matrimoniale. Mais si l’engouement pour le duel à l’épée modèle l’homicide parisien, la capitale ne semble pas connaître d’explosion sanglante hors du commun. Les instruments traditionnels de la régulation sociale – police en immersion dans la rue, justice conciliatrice plus que coercitive et surtout contrôle communautaire étroit – résistent encore aux mutations profondes de l’organisme urbain, assurent une relative modération de la violence et engagent la société parisienne sur le chemin du désarmement. Analysés au ras de la rue, les conflits ordinaires permettent aussi de restituer l’intensité de la vie sociale dans la plus grande ville d’Occident, où la conduite et la renommée de chacun sont soumises au regard de tous et aux normes communes. Plutôt que naturellement « pousse-au-crime », Paris apparaît au contraire comme un modèle original de moralisation et d’encadrement des comportements à l’aube des Temps modernes.

Violences et passions
La femme ravie. Le mariage par rapt dans les sociétés occidentales du haut Moyen Âge


S. Joye
, La femme ravie. Le mariage par rapt dans les sociétés occidentales du haut Moyen Âge, Turnhout (Belgium), Brepols, coll. "Haut Moyen Âge 12", 2012, 528p.

Enlever une femme pour l’épouser n’a pas toujours été un crime. C’est à partir du IVe siècle que le rapt est condamné par la loi. Le livre analyse la pratique, la perception et la répression du rapt depuis la fin de l’Antiquité jusqu’au Xe siècle. Pratique constante, les enlèvements sont le fruit des tensions générées par le mariage dans une société où la compétition, les stratégies d’alliance, les impératifs de la vengeance laissent peu de place aux choix individuels. Mais, à partir de l’époque carolingienne, l’Église renforce sa pression sur la société et pèse avec force sur le mariage, considéré comme la base et le ciment de la société chrétienne : le rapt, véritable antithèse du mariage carolingien, de crime devient alors un sacrilège, remettant en cause l’ordre du monde. Paradoxalement, alors même que le rapt est condamné avec sévérité par les lois civiles et religieuses, il continue d’être une pratique génératrice de prestige et de richesse et, surtout, il commence à apparaître sous un jour flatteur dans les chroniques : le ravisseur devient progressivement un héros fondateur de lignée.

La femme ravie
L'hérédité en République. Les élus et leurs familles dans la Marne (1871-1940)


A. Niess
, L'hérédité en République. Les élus et leurs familles dans la Marne (1871-1940), Villeneuve d'Ascq, Presses Universitaires du Septentrion, 2012, 388p.

Si « l'hérédité en République » peut sembler un paradoxe, pratiques népotiques, cousinages complexes, ancrage local, réseaux de sociabilité au sein de la bourgeoisie conduisent à la confiscation du destin politique de la Marne par quelques familles entre 1871 et 1940. Malgré le vœu de Gambetta de voir émerger des couches sociales nouvelles en politique, des groupes familiaux alliés mettent la main sur les mandats de conseiller d'arrondissement, conseiller général, député et sénateur. Ces élus limitent le renouvellement des élites politiques nationales et locales. Appartenant à des familles qui s’embourgeoisent progressivement au cours du siècle, ces notables procèdent de stratégies matrimoniales définies. À leur tour, ils les reproduisent pour conforter leur assise sociale, locale, familiale et… politique. Ces éléments créent et confortent le crédit politique et la visibilité du candidat. Fondé sur une démarche prosopographique, cet ouvrage analyse l’hérédité et l’héritage en politique pour des mandats nationaux et locaux et met en lumière l’impact de la famille élargie (Sippe) sur le régime républicain, en dépit du suffrage universel.

L'hérédité en République
Se défendre en Champagne-Ardenne


P. Demouy
(dir.), Se défendre en Champagne-Ardenne, Langres, Éditions Dominique Guéniot, 2012, 351p.

Du partage de l'Empire carolingien jusqu'aux grands conflits mondiaux du XXe siècle, la Champagne-Ardenne et les marges occidentales de la Lorraine ont été des régions de frontière et de conflits, dont les stigmates sont encore visibles dans le patrimoine monumental. Pour se défendre contre les périls, nos ancêtres ont mobilisé leurs ressources, leur intelligence et leur foi. Pierre et bois, armes et armures, verbe et prières devaient leur apporter la protection dont ils avaient besoin. Les vingt études réunies dans ces actes par le Centre d'études et de recherche en histoire culturelle de l'Université de Reims Champagne-Ardenne ne se limitent pas à l'histoire militaire. Elles abordent aussi la défense des minorités, des usages ou de l'identité nationale, particulièrement sensible entre le baptistère de Reims et le moulin de Valmy. Universitaires et membres des sociétés savantes champardenaises et lorraines se sont retrouvés à Sedan pour partager leurs connaissances. Ardennes, Aube, Marne, Haute-Marne et Meuse ont été étudiées dans cet ouvrage d'histoire et de mémoire.

Se défendre en Champagne
La fabrique de la norme. Lieux et modes de production des normes au Moyen Âge et à l'époque moderne


V. Beaulande-Barraud
, J. Claustre, E. Marmursztejn (dir.), La fabrique de la norme. Lieux et modes de production des normes au Moyen Âge et à l'époque moderne, Presses Universitaires de Rennes, 2012, 266p.

Au débouché d'évolutions qui affectent les sciences sociales depuis une vingtaine d'années, l'étude des normes offre aux historiens un vaste champ d'enquête. L'intégration du droit, l'élargissement du concept de norme au-delà du droit, le dépassement de la confrontation entre normes et pratiques sociales en termes d'application ou d'opposition et la focalisation sur les pratiques productrices de normes ont ouvert des pistes nouvelles. C'est en suivant ces pistes que la norme est ici appréhendée en diverses "fabriques" (institutions, discours, images) au Moyen Age et à l'époque moderne. Caractérisés par la pluralité des instances et des lieux de production des normes, ces siècles constituent un terrain propice à l'élaboration d'une réflexion comparative sur la normativité. Conjuguant les compétences de spécialistes d'histoire du droit, de la justice, d'histoire intellectuelle, religieuse et sociale, les treize études réunies dans ce volume visitent quatre grandes "fabriques de la norme" : les lieux d'élaboration des normes savantes, les "fabriques" de la loi, puis du procès, celles, enfin, des images et des apparences. A la variété des lieux correspond celle des types documentaires, des lois royales aux livrets de pèlerinage en passant par les lettres de grâce, les statuts synodaux, les délibérations municipales, les sentences de tribunaux, les Quodlibets, les textes casuistiques, l'hagiographie. Outrepassant les frontières chronologiques et disciplinaires communes, ce volume associe à une réflexion historiographique sur la normativité des études précises de cas. Il manifeste, sans prétendre l'épuiser, la réelle productivité historique de l'étude des normes.

La fabrique de la norme