Projeter les étudiants en pharmacie dans un laboratoire d’analyse réel grâce à la simulation
Comment permettre aux étudiants d’utiliser des machines coûteuses sans contraintes, d’accéder aux dernières technologies et d’expérimenter de nouvelles méthodes auxquelles ils seront confrontés dans leur future vie professionnelle ? C’est le défi que l’UFR de Pharmacie a souhaité relever pour ses étudiants de 4ème année, en intégrant à leurs travaux pratiques (TP), un dispositif innovant : un laboratoire d’analyse microbiologique virtuel aux possibilités pédagogiques multiples. Le projet DeMETeRE, qui s’investit dans l’innovation pédagogique en santé, soutient la réalisation et la pérennisation de ce dispositif ambitieux.
Marius Colin, Enseignant-chercheur et Chargé de l’innovation pédagogique à l’UFR de Pharmacie, et Sébastien Erckelbout, Chef de projet en simulation pédagogique, portent ce projet et reviennent sur ses enjeux et sa réalisation.
Comment a émergé le projet de simulation du laboratoire d’analyse microbiologique ?
Marius Colin :
Il y a deux ans, le doyen de l’UFR de Pharmacie m’a nommé Chargé de l’innovation pédagogique. L'idée de mettre à jour les travaux pratiques (TP) de microbiologie est vite devenue une priorité. Lors de ces derniers, les étudiants travaillent avec des outils assez anciens qui ne reflètent plus les pratiques actuelles des laboratoires d'analyse, là où ils seront amenés à exercer. De plus, certains appareils coûteux, qui auraient pu leur offrir une vision plus réaliste du terrain, ne peuvent pas toujours être mis à disposition des étudiants.
Nous avons donc opté pour un dispositif innovant : transposer virtuellement les outils des laboratoires d’analyse que nous n’avons pas physiquement à l’UFR, pour permettre aux étudiants de les utiliser. L’intérêt de la virtualisation des machines est de pouvoir y associer des scénarios pour guider les étudiants dans l’utilisation des outils, comme s’ils étaient sur le terrain.
Quels sont les objectifs de ce projet et à qui s’adresse-t-il ?
Marius Colin :
L’objectif de la mise en place du laboratoire virtuel est de permettre aux étudiants de mieux appréhender la réalité du terrain et de tester de nouvelles technologies, machines et méthodes de travail auxquelles ils ne sont pas confrontés actuellement à l’université.
Ce dispositif s’adresse essentiellement aux étudiants de 4ème année qui doivent aborder la microbiologie. À travers des scénarios virtuels, les étudiants pourront notamment prendre conscience de l’enchaînement d’événements à effectuer pour réaliser un test en laboratoire.
Comment le laboratoire virtuel sera-t-il intégré dans la formation des étudiants en pharmacie ?
Marius Colin :
Lorsqu'ils arriveront en TP de microbiologie, les étudiants auront des tablettes à disposition posées sur leur paillasse. Ils commenceront par visionner une vidéo de quelques minutes qui leur présentera un laboratoire d'analyse en microbiologie.
S’en suivront des quiz sur la notion de prélèvements. L’étudiant pourra être questionné sur des étapes qu’il ne voyait pas jusque-là, notamment l’étape de stockage du prélèvement jusqu’à l’analyse.
Une fois les quiz complétés, les étudiants accèderont à la partie scénarios virtuels. Ils pourront choisir entre plusieurs scénarios en fonction du type de traitement à effectuer. À l’issue des prélèvements, les étudiants accèderont à la partie analytique et renseigneront leur code de prélèvement, qui sera traduit en résultat par la machine. Un des atouts de l’outil virtuel est qu’il tiendra compte du temps d’incubation nécessaire pour permettre une analyse cohérente avec la réalité.
Les analyses obtenues virtuellement seront intégrées au compte rendu oral de l’étudiant, qui présentera le cas qu’il a traité, les étapes d’analyse et les résultats obtenus.
Quels scénarios pédagogiques ont été établis pour ce projet ?
Marius Colin :
À ce jour, nous avons imaginé trois scénarios. Le premier est basé sur l’identification des bactéries par spectrométrie de masse, un outil central en microbiologie moderne. Le deuxième, sur la PCR (réaction de polymérisation en chaîne), permet de détecter des micro-organismes spécifiques, par exemple en cherchant des gènes de pathogénicité. Enfin, le troisième scénario est centré sur le sérotypage, une méthode complémentaire à la spectrométrie de masse, notamment pour l’identification des salmonelles.
Quel a été le processus de mise en place de ce projet et quels acteurs ont été impliqués ?
Sébastien Erckelbout :
Les premiers échanges avec l’équipe de microbiologie, qui ont permis d’amorcer le projet, ont eu lieu en mai 2023. Ensuite, nous avons procédé à une veille technologique et travaillé conjointement sur un storyboard pour définir l’environnement à réaliser et sur les scénarios pédagogiques pour expliciter le besoin. Le laboratoire de bactériologie, virologie, hygiène, parasitologie et mycologie du CHU de Reims nous a permis de visiter leurs locaux et de faire des prises de vue pour réaliser la vidéo, créer les scénarios et l’environnement virtuel. Le choix du support tablette s’est vite imposé, étant donné que nous n’avions pas besoin d’intégrer de gestuelle, qui aurait été possible uniquement en réalité virtuelle.
Ces étapes nous ont permis de définir un budget et d’amorcer la recherche de financements. Fin décembre 2023, grâce au financement de l’UFR de Pharmacie, nous avons sélectionné un prestataire pour développer l’application. Une première version fonctionnelle nous a été livrée fin mars 2024, que nous avons pu tester auprès d’un panel d’étudiants très satisfaits de l’expérience.
Actuellement, une seconde version, financée par le projet DeMETeRE, est en cours de développement avec pour objectif d’intégrer le dispositif aux TP de microbiologie des 4èmes années au printemps 2025.
Quelles sont les difficultés auxquelles vous avez été confrontés dans ce projet ?
Sébastien Erckelbout :
La réflexion en amont sur les contours du dispositif et le choix de l’application sont des étapes très importantes, puisqu’une fois le prestataire choisi, chaque nouvelle idée ou fonctionnalité ajoutée peut impliquer des ajustements techniques et engendrer des coûts supplémentaires.
Marius Colin :
La création des scénarios demande beaucoup de temps et de disponibilités de la part des enseignants-chercheurs, en particulier la phase d’intégration des scénarios dans l’outil, qui implique bien souvent des réajustements multiples pour s’assurer de la cohérence pédagogique et de la fluidité technique.
Aujourd’hui, où en êtes-vous dans la réalisation de ce projet et quelle suite envisagez-vous ?
Marius Colin :
Nous espérons finaliser les derniers scénarios d’ici mi-décembre 2024, avec une phase de tests de deux à trois mois. L’objectif est d’intégrer l’outil dans les TP dès le printemps prochain. Ensuite, nous souhaitons valoriser cet outil en le présentant lors de congrès, notamment. J’ai déjà amorcé cette étape en présentant le projet à la conférence des doyens de pharmacie l’été dernier.
Dans l’esprit du projet DeMETeRE, nous avons également l’ambition d’ouvrir cette application à d'autres enseignants, UFR et universités, en rendant son architecture encore plus modulable, pour que chacun puisse facilement créer et intégrer ses propres scénarios pédagogiques.
Contacts : Marius Colin marius.colin@univ-reims.fr
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