Axe 2 - Délimiter et nommer les territoires

- Territoires des États antiques -


Description

A ces travaux fondateurs sur le territoire champenois, s’amorcera dans le prochain quadriennal une étude portant sur la question du territoire dans les Etats antiques, les cités grecques en particulier, liée de manière transversale à la précédente par la réflexion sur les économies rurales, les échanges commerciaux et les aspects religieux, mais aussi sur les modes de représentation du territoire dans les sources, ainsi que sur les formes d’Etat, chacune de ces formes étant productrice de normes spécifiques. L’analyse portera plus particulièrement sur l’articulation entre le territoire et les différents niveaux de pouvoir : il est clair en effet que, dans le monde grec, l’analyse du territoire ne saurait se borner à un horizon civique considéré comme indépassable, même s’il ne s’agit pas d’oublier pour autant l’unité particulière que forme la cité. L’étude des territoires passe ainsi par celle des formations infra- et, surtout, supra-civiques (par ex. les structures confédérales comme la Béotie classique et hellénistique), la cité devant être considérée moins comme une monade dans un monde de monades, ce qui paraît relever d’une vision « nationaliste », que comme une cellule souvent enchâssée dans une structure spatiale beaucoup plus complexe qu’elle, situation potentiellement porteuse de multiples conflits de normes, par ex. en matière judiciaire.

Autre piste qui sera suivie, en lien direct avec les notions de frontières et donc avec celle de normes : l’exploration des identités ethniques dans des régions à la fois « centrales » et « périphériques », qui seront d’abord celles de l’antiquité grecque. Le thème de l’ethnicité, parce qu’il touche à différents tabous de la pensée républicaine française, ne s’est pour ainsi dire diffusé en France que très tardivement en-dehors du champ de l’anthropologie. Le décalage est flagrant avec les pays comme l’Angleterre ou les Etats-Unis, où la réflexion sur l’ethnicité, y compris pour l’antiquité, est déjà très avancée, car l’invocation de la différence ethnique y est aujourd’hui conçue, non comme un outil de ségrégation et de ghettoïsation, mais comme un moyen de protéger les minorités. Plusieurs publications françaises récentes ont contribué à combler cette lacune, mais il semble que l’on puisse encore approfondir l’analyse, en posant la question de la frontière comme lieu privilégié d’élaboration de l’identité ethnique, au lieu d’y voir, encore et toujours le lieu où une identité cesse au profit d’une autre selon le schéma classique (hérodotéen) de « cartographie » de ces identités. Plusieurs sujets de master et de doctorat, relatifs à l’ensemble de ces processus à l’œuvre dans les Etats antiques, seront ainsi donnés sur les formes d’échanges et la formation des identités dans différentes régions du monde grec aux époques archaïque et classique, en privilégiant certains moments-clés comme celui de la colonisation ou encore des régions particulièrement significatives en tant que zones de contacts, comme la Béotie ou la cité de Corinthe à l’époque archaïque, ou encore le royaume de Macédoine et le Pont-Euxin aux époques classique et hellénistique.

Dernier dossier collatéral et particulièrement pertinent : celui des noms propres, de peuples (ethnonymes) et d’individus (noms royaux par ex.). En la matière, les études purement onomastiques ne sont pas satisfaisantes, car elles n’indiquent qu’une possible origine et ne tiennent compte ni du mouvement des hommes, ni des objectifs spécifiques de l’octroi du nom. L’un des projets conçus au sein de cet axe, projet qui sera transversal à l’ensemble de la réflexion de l’équipe durant ce quadriennal, consistera ainsi en une vaste réflexion sur ce que l’on pourrait appeler « Normes et stratégies de la dénomination », qui dépassera largement le cadre géographique et chronologique ici évoqué et pourra être promue en liaison avec d’autres laboratoires français (e.g. UMR Histoire et Anthropologie des Mondes Anciens, Paris I), dans le cadre d’un colloque international prévu en 2012 sous ce même titre.