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James Webb dévoile le secret brûlant (ou plutôt glacé) de la brume de Pluton

Grâce au télescope spatial James Webb, une équipe internationale de chercheurs, dont Panayotis Lavvas, chercheur au GSMA (UMR CNRS – 7331) de l’université de Reims Champagne-Ardenne (URCA), vient de révéler une nouvelle facette du climat plutonien. La brume mystérieuse qui enveloppe Pluton contient une grande quantité de condensats organiques glacés — de minuscules particules issues de la condensation de molécules complexes dans l’atmosphère. Cette découverte offre un nouveau visage au climat plutonien et montre aussi comment cette brume influence la surface de Charon, sa plus grande lune.

Une brume glacée au cœur du système climatique de Pluton

L’atmosphère de Pluton, très fine, est dominée par l’azote et le méthane. Sous l’action des rayons du Soleil, ces gaz subissent des réactions photochimiques complexes, donnant naissance à une brume faite de particules minuscules. Mais ce n’est pas tout : grâce au JWST et à son instrument MIRI, les scientifiques ont observé directement l’émission infrarouge de cette brume, révélant que ses particules ne sont pas de simples poussières, mais de véritables glaces organiques.


« Les observations du JWST révèlent que la théorie que nous avons développée au GSMA concernant le rôle des condensats organiques est vérifiée » félicite Panayotis Lavvas.


Ces condensats glacés, composés notamment de diacétylène (C4H2) et d’hydrogénocyanure (HCN), se forment dans la haute atmosphère par condensation directe. Leur présence modifie profondément le bilan énergétique de Pluton. En absorbant et en réémettant la chaleur, cette brume agit comme un régulateur thermique naturel, refroidissant l’atmosphère et contrôlant ses variations saisonnières. La formation et les propriétés de ces condensats organiques avait été prédit et modélisé par l’équipe du GSMA, et le JWST a désormais apporté la preuve expérimentale que cette théorie est juste.

Charon, la lune témoin d’un climat partagé

Une seconde découverte concerne Charon, la lune principale de Pluton. A l’inverse de Pluton, son satellite ne possède pas d’atmosphère. Pourtant, sa surface révèle les traces visibles des échanges avec Pluton. On peut y observer des zones polaires sombres et rougeâtres, résultant de dépôts issus de méthane s’échappant de Pluton puis piégé et transformé chimiquement sur sa surface. Les instruments de JWST ont permis de détecter directement l’émission thermique de Charon, distincte de celle de Pluton, mettant en lumière ces interactions uniques. Ce phénomène d’une atmosphère d’une planète influençant la surface de sa lune est inédit et enrichit notre compréhension des échanges matériels dans le Système solaire.

Des découvertes qui ouvrent la voie à l’étude des mondes glacés

Ces découvertes exceptionnelles placent le laboratoire GSMA de l’URCA au cœur d’une avancée majeure en planétologie. Comprendre comment ces particules de brume organique se forment, évoluent et contrôlent la température atmosphérique sur Pluton permettra de mieux appréhender d’autres mondes glacés et brumeux du Système solaire, comme Triton, Titan, voire la Terre primitive. Elle met aussi en lumière l’importance des interactions fines entre surface, atmosphère et particules dans la diversité des climats planétaires. Sans oublier, l’interaction de Pluton avec sa lune Charon offrant des nouvelles perspectives sur les échanges matériels entre astres.

Avec ces résultats, Pluton cesse d’être une planète naine isolée pour devenir un laboratoire naturel unique sur les processus climatiques et chimiques qui façonnent les corps glacés au bord de notre système solaire.

Image : Pluton avec les brumes sur l'horizon (Credit: NASA/JHUAPL/SwRI)