« Mumm, le destin d’une maison de champagne allemande pendant la Première Guerre mondiale »
Yves Tesson, docteur de l’Université Sorbonne Paris IV
La Première Guerre mondiale constitue une catastrophe économique pour les Maisons de Champagne dont elles ne se sont complètement relevées que dans les années 1950.
Mais, elle engendre aussi une fracture intérieure au sein de la communauté des négociants du champagne si soudée jusque-là. En effet, les liens commerciaux et familiaux avec l’Allemagne sont particulièrement importants et ce, depuis les origines. Il suffit d’évoquer les noms de Krug, Heidsieck, Deutz… Certes, beaucoup de ces dynasties s’étaient totalement intégrées et servaient d’ailleurs dans l’armée française, mais quelques-unes demeuraient encore profondément liées à leur patrie d’origine et furent alors ostracisées.
C’est le cas des Mumm. Implantés à Reims depuis 1827, ils possèdent aussi une maison de vins en Allemagne. Or, ce n’est qu’à la fin du XIXème siècle que la filiale rémoise devient le fer de lance des affaires de la famille poussant cette dernière à résider de façon définitive en France. Lorsqu’éclate la guerre, les Mumm n’ont pas encore demandé la nationalité française. Maximilien de Mumm est donc emprisonné au fort de Lanvéoc en Bretagne et sa Maison mise sous séquestre. Elle suscite alors un grand nombre de convoitises et concentre une part des haines nées du « martyre » de la ville.
Au Syndicat du Commerce des Vins de Champagne, on se bat pour obtenir la cessation totale des activités de la Maison : le commerce fait par les séquestres contribuerait en effet à maintenir le prestige d’une marque « boche ». Par ailleurs, dans la ville bombardée, les maisons affrontent de nombreuses difficultés pour trouver la main-d’œuvre nécessaire au fonctionnement de leurs caves et le personnel de Mumm pourrait être utile aux autres établissements. Après l’armistice, le Syndicat multiplie les démarches pour obtenir que les profits tirés de la liquidation de Mumm soient versés aux Maisons de Champagne pour payer leurs dommages de guerre.
Pour Mumm, les conflits ne font que commencer. A la suite de la vente de la maison le 28 juillet 1920, les procès entre les nouveaux propriétaires et la famille Mumm vont se succéder autour de l’utilisation de la marque que les mousseux allemands tentent de conserver. La Seconde Guerre mondiale sera alors l’occasion d’une revanche et la famille Mumm remettra de façon temporaire la main sur l’entreprise.