L’universel des milieux vivants en commun
Le projet de recherches L’universel des Milieux Vivants en commun vise à tester l’hypothèse que c’est par une réflexion sur l’universel qu’on pourra pleinement agir dans la protection des écosystèmes. Mais cela engage une nouvelle conception de l’universel décentrée de l’humain et refondée dans les milieux vivants (qui incluent l’espèce humaine). Il s’agit de définir dans une perspective universaliste la notion de milieu vivant à partir des trois notions individu vivant/espèce/milieu et de la notion de socio-écosystème qui comporte plusieurs espèces vivantes et donc plusieurs milieux relatifs aux différentes espèces qui y sont présentes, y compris les humains. Montaigne a bien montré que n’est pas barbare ni sauvage celui que l’on nomme tel – l’autre, l’étranger, le barbare – mais celui qui le nomme tel parce qu’il s’est détourné de l’ordre commun par artifice. La pluralité culturelle est un outil extraordinaire pour faire surgir, dans le retour critique de l’humanité sur elle-même, un sens de l’universel. Cependant, si l’on élargit la notion de culture aux animaux comme des études de plus en plus nombreuses d’éthologie nous incitent à le faire, un nouveau défi surgit pour penser l’universel : nous devons penser l’universel au sein du monde vivant et non plus seulement humain. Fin 2014, la 11ème conférence de la Convention sur la conservation des espèces migratrices appartenant à la faune sauvage, conclue sous l'égide de l’ONU, à laquelle la France a adhéré en 1990, a adopté la 23ème résolution qui reconnaît officiellement l’existence de cultures animales. L’existence des cultures non humaines est connue depuis longtemps, mais la nouveauté est qu’elles sont reconnues officiellement, et, ce détail a son importance, par l'appellation « culture non humaine » et non par des termes atténués tels que « proto-culture » ou « préculture ». C’est cette culture non humaine qui fait irruption dans la théorie de l’acteur-réseau et démarque le biotique de l’abiotique.
Un nouveau défi surgit alors pour penser l’universel sans faire disparaître la pluralité culturelle humaine et animale. Il s’agit non pas d’opposer l’un et le multiple, l’universel et la pluralité, mais de penser l’universel comme émanant de cette pluralité. Et la pluralité culturelle elle-même n’oppose plus nous, les humains, et les animaux qui seraient sans culture et inféodés à l’instinct, mais nous oblige à un retour critique sur ce que nous appelons culture et qui doit dorénavant inclure les cultures et techniques animales. Cette refonte du terme culture implique à son tour un retour critique sur nous-mêmes comme faisant partie du monde du vivant. Il importe alors, pour donner à l’universel une nouvelle épaisseur de sens, de le réfléchir au prisme des milieux vivants et non simplement de l’humain. Il s’agirait toujours de penser les droits humains à partir de l’universel, il s’agirait aussi de penser les droits animaux (protection des transmissions de connaissance des mammifères socialement complexes, protection des animaux comme sujets d’une vie) à partir de l’universel, il s’agirait enfin de penser les droits des milieux vivants à partir de l’universel.
Le projet dont la durée est prévue sur 9 mois se donne un objectif double : organiser une journée scientifique sur la question de l’universel des milieux vivants le 14 octobre 2020, mettre en place une collection Sciences Humaines et Sociales et Développement Durable prioritairement aux Epure ou chez un autre éditeur scientifique, ce qui permettra de publier les travaux qui s’inscrivent dans ce cadre des SHS et de la recherche sur le développement durable.
Contacts :
Véronique LE RU (CIRLEP)
Jon MARCO CHURCH (HABITER)
journée d'études du 23 mars 2022
La deuxième journée sur les milieux vivants en commun que nous proposons le 23 mars 2022 (URCA, Campus Croix-Rouge, bâtiment 13, salle polyvalente) fait suite à celle que nous avons organisée à l’Université de Reims le 14 octobre 2020 qui visait à tester l’hypothèse que c’est par une réflexion sur l’universel qu’on peut assurer la résilience et la durabilité des socio- écosystèmes.
Nous avons vu lors de cette journée (dont les actes ont été publiés depuis, voir Penser les milieux vivants en commun, dir. Véronique Le Ru, Reims, Epure, 2021) que cela engageait une nouvelle conception de l’universel décentrée de l’humain et refondée dans les milieux vivants (qui incluent l’espèce humaine).
La deuxième journée sur les milieux vivants en commun cherche à réfléchir sur les moyens de cette mise en commun : par le fil de la vie ? par la littérature ? par les épidémies et notre mode de vie rapprochée ? par la ville ? par la fonction d’exaptation ? par l’art du pistage ? par la symbolisation ? par le jeu ? par le regard ? par l’exigence d’apparaître ? par l’intention de faire comme si ?
Nous espérons que ces questions trouvent des éléments de réponse pour mieux partager les milieux vivants et permettre à tout être vivant de se faire son milieu et de trouver sa place comme sujet d'une vie à la première personne.
Il importe, dans cette perspective, de bien comprendre ce qu’est la biodiversité et de préciser ce qu’est le fil de la vie ou ce que sont les brins d’information qui commandent la logique du vivant. Pierre-Henri Gouyon (co-auteur de l’ouvrage Le Fil de la vie – la face immatérielle du vivant, Paris, Odile Jacob, 2016) propose de nous l’expliquer. Anne Simon, autrice de Une bête entre les lignes – essai de zoopoétique, Marseille, Wildproject, 2021, nous invite à réfléchir d’une autre manière la face immatérielle du vivant dans un voyage à travers sa bibliothèque qui nous montre que les bêtes sont partout présentes entre les lignes et peuplent notre monde. Les petites bêtes sont aussi partout présentes dans les épidémies, comme le montrera le troisième intervenant de la matinée, Laurent Andreoletti, Professeur de virologie au CHU de Reims.
La reprise, après la pause déjeuner, donnera la parole à Joëlle Zask, autrice de Zoocities – des animaux dans les villes, Paris, Premier Parallèle, 2020, qui nous fera part de son questionnement sur le voisinage des animaux sauvages dans les villes. S’ensuivra la conférence de Nicolas Gilsoul, auteur de Bêtes de villes, Paris, Fayard, 2019, qui montrera comment penser les villes pour permettre de développer et de bien vivre une cohabitation interspécifique.
Ces interventions feront systématiquement l’objet de réponses initiales de la part de doctorants de l’Université de Reims Champagne-Ardenne (URCA) et d’ailleurs, auxquelles suivront quelques questions de la salle. Des chercheurs issus d’autres disciplines pertinentes (éthologues, botanistes, sociologues, psychologues, etc.) mais aussi des praticiens (représentants d’associations animalistes, écologistes, naturalistes, politiques, gestionnaires d’espaces protégés, chasseurs, etc.) des relations entre les humains et le reste du vivant sont invités à participer à cette journée d’étude et aux discussions.
Consultez les documents liés à l'évènement ici :
Bêtes de ville
La biodiversité, le fil de la vie et les brins d'information
Les virus et les épidémies
Les animaux sauvages dans les villes
Lignes de vies, lignes d'écritures (des bêtes et des bibliothèques)
La journée d’étude a permis des interventions de grande qualité. Le système de doctorants/postdocs répondants utilisé et la trentaine de participants ont donné des échanges passionnants avec la salle virtuelle.
Suite à la journée d’étude, les actes ont été publiés dans un volume intitulé Penser les milieux vivants en commun et dirigé par Véronique Le Ru. Il s’agit du premier volume de la nouvelle série des EPURE qui s’appelle Penser le développement durable et qui est co-dirigée par Véronique Le Ru et Jon Marco Church. Le deuxième volume portera sur les interventions à la journée d’étude de 2019. Dans cette phase de lancement, la série est co-financée par le CIRLEP et HABITER.
La journée a fait l’objet de captation vidéo, à retrouver ici.