Séminaire Régimes poétique et romanesque de la fiction A2IL5 - CIRLEP et CRIMEL
Alain Trouvé (U. de Reims, CRIMEL), « Aragon / Breton : roman, poésie, fiction » (Campus Croix-Rouge, MSH, bâtiment 13, salle R240 ).
D’innombrables travaux ont placé la fiction au centre de leur recherche depuis des décennies. Nous voudrions introduire une inflexion fondée sur des pratiques touchant à l’écriture littéraire et à la théorie. Nous proposons, pour explorer ce problème, de soumettre aux intervenants la forte hypothèse posée naguère par Jacques Rancière, hypothèse qui conduit à une différenciation partielle. Rappelons-la :
- Le régime représentatif de l’art n’est pas celui de la copie, mais de la fiction, de l’« agencement d’actions » dont parle Aristote. C’est ce concept qui libère l’art de la question de la vérité et de la condamnation platonicienne des simulacres. En revanche le « procédé général de l’esprit humain » sépare l’idée de fiction de celle d’« agencement d’actions » ou d’histoire. La fiction devient une procédure d’agencement des signes et des images, commune au récit et à la fiction, au film dit documentaire et au film racontant une histoire. Mais alors cet agencement des signes n’est plus « hors-vérité ». Quand la fiction devient une « procédure générale de l’esprit humain », elle est à nouveau sous la législation de la vérité. C’est ce que dit en substance Flaubert : si une phrase sonne mal, c’est que l’idée est fausse. (Et tant pis pour les gens fatigués, Paris, Amsterdam, 2009, p. 156)
La fiction comme « agencement d’actions » renvoie clairement à un corpus romanesque extensible par l’idée d’histoire ou de fable aux expressions cinématographique, voire théâtrale. La fiction comme « procédure d’agencement des signes et des images » ouvre vers une signification plus large qui pourrait s’appliquer à d’autres corpus, notamment poétiques, plus ou moins rebelles à toute description en termes de fable ou d’histoire. La « procédure générale de l’esprit humain » dont parle Rancière est empruntée à Mallarmé glosant lui-même Descartes dans ses Notes sur le langage :
- Enfin la fiction lui semble être le procédé même de l’esprit humain – c’est elle qui met en jeu toute la méthode, et l’homme est réduit à sa volonté.
Page du discours sur la Méthode.
Il s’agit d’examiner le lien entre des pratiques d’écriture-lecture et une certaine idée de la fiction, trompeusement uniformisée, peut-être, sous un vocable commun.