Sylvie Mikowski et Yann Philippe
Cultures populaires
Qu'appelle-t-on "culture populaire" aujourd'hui ? La recherche universitaire doit-elle en rester à la conception de la culture définie en 1869 par Matthew Arnold comme la somme de "tout ce qui a été pensé et dit de meilleur dans le monde"? Ou doit-elle s'intéresser au contraire à ces objets fluctuants qui, comme l'ont reconnu Walter Benjamin, Antonio Gramsci ou Raymond Williams sont à la fois des productions culturelles de masse, une représentation de la pensée hégémonique qui s'impose au peuple, mais aussi une expression des aspirations du peuple ? Et que dire de l’influence grandissante des "cultures populaires" dans l’univers contemporain ? Films, séries, publicités et affiches, jeux vidéos, chansons et clips, produits dérivés, etc : qu’elles soient associées ou non à des formats nouveaux et au medium de l’internet, les productions culturelles envahissent à l’évidence notre environnement quotidien... et celui des étudiants. Difficile désormais d’évoquer Dracula sans que les étudiants ne pensent à Twilight…. Ou la banlieue américaine sans penser à Mad Men…. Le premier objet du séminaire sera ainsi de prendre au sérieux la prolifération des objets culturels et de l’interroger dans son histoire, dans ses effets et dans son fonctionnement.
L’opposition entre « culture savante » et « culture populaire » ne date en effet pas d’aujourd’hui, pas plus que les passages d’une catégorie à l’autre (le théâtre de Shakespeare n'était à l'origine pas réservé à l'élite, le film noir, genre populaire par excellence, est devenu un cinéma pour amateurs éclairés, et les séries télévisées sont en passe de devenir un sujet favori de thèses et de colloques). On pourrait aussi mettre au jour les effets de myopie propre à un univers contemporain semblant constamment hésiter entre « panique morale » (l’inquiétude face à l’envahissement des produits culturels de masse), récupération consumériste de toutes les formes de culture (y compris celles dites transgressives ) et légitimation par l’élite des produits culturels à succès.
Démultipliée par les nouvelles formes de diffusion à distance, la « culture populaire » semble en effet à l’origine de multiples effets de « savoir », de connaissances et méconnaissances qui entrent en relation, parfois en convergence mais souvent en conflit avec le savoir universitaire ou du moins y font partiellement écran.
Une partie non négligeable de la connaissance – ou de la méconnaissance en de nombreuses occurrences – que les étudiants et le public en général ont des sociétés et cultures étrangères vient d’une culture populaire très largement américaine et à caractère souvent mythologique. L’ouverture sur plusieurs mondes culturels du CIRLEP tant du point de vue historique que géographique, en fait un lieu adapté pour interroger les effets différenciés de cette hégémonie culturelle quelquefois désignée comme "l'américanisation" de la culture. Bref, il s’agit d’examiner ces « effets de savoir » opérés à distance à travers l’image fantasmée qu’une société renvoie d’elle-même.
Partant du principe général que la culture populaire ne saurait de toute façon être étudiée de façon isolée d’autres formes de culture plus « canoniques » ou du contexte politique, social et économique dans lequel elle s’inscrit, ce séminaire pourra prendre plusieurs orientations. Une piste pourra consister à faire de la culture populaire un lieu d’observation de « la construction de la vie quotidienne », au sens où l'entend par exemple Michel de Certeau dans L'Invention du quotidien.
Yannick Bellenger-Morvan, Xavier Giudicelli, Gilles Sambras, Nadège Marsaleix, Ronan Ludot-Vlasak, Christian Roques, Céline Roméro, Catherine Girodet, Séverine Labourot.
Le séminaire se réunit environ 1 fois par mois, le mercredi de 16h à 18h en salle R240 (bâtiment 13, Recherche, Campus Croix Rouge, Reims).
Le programme détaillé est accessible sur la page du séminaire sur les Cahiers du CIRLEP.
Le n° 19 de la revue Imaginaires est issu des travaux de notre séminaire.
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