AXE 1 - La fabrique de la norme

- Conflits et concurrences des normes -


Description

Dans la perspective du nouveau projet quadriennal, les membres de l’axe poursuivront les travaux entrepris en inaugurant un nouveau thème, situé dans la continuité du précédent : « Conflits et concurrence des normes au Moyen Âge et à l’époque moderne ». Cette continuité thématique manifeste à la fois la cohérence de l’ancien axe « Fabrique de la norme », sa fécondité et sa capacité à fédérer des questionnements historiques issus d’horizons divers, au carrefour d’évolutions historiographiques récentes : le rapprochement de l’histoire et du droit, d’une part ; l’élargissement du concept de norme au-delà du droit, d’autre part, qui implique la prise en compte de codes de comportement multiples, touchant à divers champs de l’histoire et requérant en l’occurrence la contribution d’historiens spécialisés dans des domaines aussi variés que ceux de l’histoire du droit, de la justice, de l’histoire sociale, de l’histoire religieuse et de l’histoire intellectuelle.

Dans l’optique pragmatique qui avait orienté les travaux précédents, on continuera de s’attacher aux processus d’élaboration des normes. Celles-ci ne seront toutefois pas, dans ce sous-axe, pensées en termes de lieux (la localisation de différents types de « fabriques » et la description de leurs procédés de « fabrication » spécifiques ayant fait l’objet des deux précédents volets de l’étude), mais en termes de conflits et de concurrence entre des normes de sources et de types différents. À l’encontre de l’idée de l’autonomie du droit et plus généralement de l’autorité déterminante des normes, on considérera ce qui leur est opposable : le fait et les normes supérieures, voire supra-juridiques. L’objectif ne consistera donc pas à observer les distorsions entre des « normes » et des « pratiques » conçues comme des abstractions autonomes ou étanches ; il ne consistera pas simplement à confirmer, s’il en était besoin, l’hypothèse désormais érigée au rang d’opinion commune selon laquelle le jeu social prime et que la norme est le fruit de négociations et d’adaptations. Le thème proposé invite à envisager les processus de production des normes sous l’angle de la tension, de la concurrence ou de l’affrontement surgis de la diversité des systèmes de références et de celle des instances normatives. La question ne sera donc plus de savoir où et comment on produit des normes au Moyen Âge et à l’époque moderne, mais à quels types de conflits cette production a pu donner lieu, conflits et tensions entre instances (par exemple entre théologiens et juristes, entre théologiens et autorités ecclésiastiques, entre théologiens eux-mêmes, entre justices seigneuriales et royales...), mais aussi entre sources normatives (par exemple entre droit romain et droit canonique, entre droit canonique, coutumes et législation royale...), et à quels résultats ces conflits de normes ont abouti (victoire d’un référent au nom d’une théorie de la hiérarchie des normes ou d’un choix argumenté, synthèse, création normative nouvelle, etc.).

Cette optique générale doit donner lieu à la fois à une réflexion théorique sur les conflits de normes et sur les modes de résolution de ces conflits (dans le domaine de la théologie, par exemple, l’enquête contradictoire répondant au programme méthodologique du sic et non a pour finalité de résoudre les contradictions entre les autorités et de faire émerger une vérité fondée en raison), mais aussi de traiter des situations concrètes, des cas de conflits de normes observables au sein des différentes « fabriques » identifiées dans les deux premiers volets de l’étude (« fabriques » juridique, théologique, religieuse, judiciaire…). Collective, cette réflexion est destinée à s’inscrire concrètement dans le cadre de nouvelles journées d’étude et à déboucher sur de nouvelles publications.