Rencontre avec Luiz Angelo Steffenel

Luiz Angelo Steffenel

Luiz Angelo Steffenel, enseignant-chercheur au Centre de Recherche en STIC (CRESTIC, EA 3804) et porteur de projets de recherche avec l’Amérique du Sud :

  • Le projet STIC AmSud PER MARE (2013-2014) - Adaptive Deployment of MapReduce-based Applications over Pervasive and Desktop Grid Infrastructures
  • Le projet STIC AmSud CC-SEM (2017-2018) -
  • Cloud Computing for Smart-City Energy Management
  • Le projet CAPES-Cofecub MESO (2017-2020) -
  • Modélisation et prédiction des Effets Secondaires de la couche d’Ozone antartique

Pouvez-vous nous présenter votre parcours et vos thématiques de recherche ?

Je suis né au Brésil et je suis venu en France pour faire un doctorat, à Grenoble. Après ma thèse, j’ai fait un post-doctorat d’un an à Nancy suite à quoi j’ai postulé pour devenir maître de conférences à l’URCA en 2007.

Au sein du CReSTIC, je travaille sur le calcul distribué, le Big Data, l’Internet des objets et le HPC (High Performance Computing). Nous commençons par exemple des projets sur les objets connectés et le traitement des données pour la smart agriculture.

Comment ont commencé vos collaborations avec l’Amérique du Sud ?

J’avais déjà des contacts au Brésil, notamment à l’Universidade Federal de Santa Maria (UFSM). Afin de pouvoir concrétiser nos collaborations, nous avons commencé à chercher les dispositifs existants entre la France et l’Amérique du Sud.

Parmi les programmes identifiés (STIC AmSud, COFECUB et ECOS), le STIC AmSud nous a paru le plus approprié pour une première collaboration. À partir de là, il a fallu trouver un autre partenaire dans la région, comme cela est stipulé dans les conditions de cet appel.

Nous avons découvert qu’il existe des « tandems » de pays qui fonctionnent bien ensemble comme l’Argentine et l’Uruguay, le Pérou et le Chili, mais qu’il est parfois plus difficile de trouver des partenaires qui ont l’habitude de travailler avec le Brésil, notamment à cause de la différence de langue.

Le projet STIC-Amsud PER MARE sur le développement d'outils big data pour les réseaux pervasifs a finalement pu être lancé en 2013, avec l’Universidade Federal de Santa Maria au Brésil et l’Universidad de la República, en Uruguay. Bien que très humble au niveau du budget, ce projet nous a permis de financer 11 séjours d'une à deux semaines chacun entre les trois pays sur une période de 2 ans.

Quelles ont été les suites de ce premier projet ?

Depuis cette première expérience, nous avons réussi à faire passer deux autres projets : un projet CAPES Cofecub intitulé MESO avec le Brésil (UFSM) et l’Université de la Réunion sur l’étude des effets secondaires du trou d'ozone en Antarctique ; et un deuxième projet STIC AmSud intitulé CC-SEM avec l’Universidad de la República en Uruguay et l’Universidad de Buenos Aires en Argentine, sur des systèmes intelligents pour la gestion de la consommation électrique.

Nous souhaiterions également élargir ces collaborations avec l’Amérique du Sud à un cadre plus institutionnel qui inclurait aussi l’accueil d’étudiants à l’URCA. La base d’étudiants avec un profil recherche dans le domaine des TIC est bien plus importante dans ces pays qu’en France, où les étudiants partent en majorité dans l’industrie après leur master et il serait très intéressant pour nous de pouvoir accueillir des doctorants, par exemple.

Quelles sont les principales différences entre les programmes COFECUB et STIC-AmSud?

Les deux programmes permettent de financer la mobilité de chercheurs entre la France et l’Amérique du Sud (juste le Brésil, dans le cas de CAPES-Cofecub) mais STIC AmSud est globalement plus simple que Cofecub pour plusieurs raisons.

Premièrement, il faut un seul dossier, assez simple, d’une vingtaine de pages en anglais dont environ 15 pages sont dédiées au projet scientifique (il faut aussi un dossier en portugais si une institution au Brésil est partenaire). Le calendrier est fixe et « fiable », un appel est ouvert tous les ans jusqu’au mois de mai pour des réponses en hiver, soit environ 6 mois entre le dépôt et l’évaluation. Enfin, et c’est un point très important, chaque partenaire reçoit sa subvention et rembourse les frais de mission de ses propres chercheurs.

Par contre, les projets ne durent que deux ans, ce qui est parfois trop court pour démarrer un projet scientifique et il n’est possible de faire que des mobilités courtes (1 à 3 semaines).

Pour ce qui concerne Les projets Cofecub, le calendrier est plus aléatoire, parfois les appels sont retardés. Il faut écrire deux dossiers, un en français et un en portugais, et les soumettre dans chaque pays. De plus il faut être habilité à diriger des recherches pour coordonner le projet et un nombre de missions minimum est imposé chaque année.

Cependant, les projets durent 4 ans, ce qui laisse plus de temps pour obtenir plus de résultats, et les partenaires brésiliens peuvent bénéficier des bourses pour des étudiants de master, de doctorat et en post-doctorat, qui pourront venir faire des mobilités de plusieurs mois en France.

Quelles ont été les difficultés que vous avez pu rencontrer sur ces projets ?

Comme je l’ai évoqué plus tôt, trouver un troisième partenaire pour notre premier projet STIC AmSud a été un défi. Toutefois, une fois le projet démarré, la plus grande difficulté a été l’obtention des fonds du Ministère des affaires étrangères qui finance les partenaires français, car cela a été fait avec plus de 4 mois de retard par rapport au début du projet.

Sur le projet Cofecub les réponses ont été décalées de 6 mois et les projets ont démarré avec un retard équivalent, ce qui a eu un impact important sur le projet puisqu’il a fallu revoir les mobilités prévues et les personnes disponibles.

En interne, nous avons aussi des difficultés à trouver des étudiants français avec un profil recherche et qui peuvent ou veulent partir chez nos partenaires.

Quels conseils donneriez-vous à des chercheurs souhaitant déposer des projets avec l’Amérique du Sud ?

Les collaborations avec les différents pays d’Amérique du Sud vont beaucoup varier en fonction de leur situation politique et économique. Par exemple, en ce moment il est difficile de mettre en place des projets avec le Venezuela, mais la Colombie est en plein essor depuis que le problème que représentaient les FARC a été résolu. Aussi, certains pays ont plus de mal à travailler ensemble pour des raisons historiques, comme par exemple l’Argentine et le Chili ou le Pérou et l'Equateur.

Les projets avec le Brésil ont souvent des thématiques prioritaires, il faut donc s’assurer que son projet répond aux grands défis auxquels fait face le pays. Par exemple, l’informatique n’est pas une des thématiques phares pour CAPES-Cofecub, il a donc fallu s'associer à des chercheurs qui touchent à d’autres domaines clés comme la physique/chimie de l'atmosphère.

En dehors de cet aspect, les systèmes universitaires d’Amérique du Sud sont assez similaires, les universités publiques sont de très bonne qualité et les chercheurs sont souvent réceptifs aux propositions de collaborations à l’international et ouverts aux étrangers. L’intégration est plutôt facile.

Bien sûr, être Brésilien m’a fortement aidé à établir des contacts avec des chercheurs là-bas mais l’enjeu est de pérenniser ces relations. En règle générale, une fois que l’on a un bon point d’ancrage, il suffit de construire son réseau petit à petit autour de ce point. Cela prend du temps mais on est vite récompensé. Pour ce qui est de la langue, les chercheurs n’ont pas de problèmes à travailler en anglais pour la plupart.