Rencontre avec Daniel Niclot et Thierry Philippot

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Daniel Niclot, professeur émérite et Thierry Philippot, maître de conférences au sein du Centre d'Etudes et de Recherches sur les Emplois et la Professionnalisation (CEREP, EA 4692), ont porté des projets PREFALC (Programme Régional France-Amérique Latine-Caraïbes) et Erasmus + Mobilité internationale de crédits.

Pouvez-vous nous présenter vos parcours et vos thématiques de recherche ?

D. Niclot : Je suis professeur émérite à l’URCA, à l’ESPE (anc. IUFM) où j’ai exercé près de 25 ans. Je me suis beaucoup investi dans la formation des enseignants. J’ai initié la création du master CIREF (Conception, intervention et recherche en éducation et formation) Et, durant les années 2000, j’ai développé et coordonné un programme d’échanges d’étudiants financé par l’Union européenne auquel participaient trois universités européennes et trois universités canadiennes. Ensuite, avec des collègues sociologues de l’IUT nous avons activement contribué à la création d’un master Erasmus Mundus en éducation qui regroupait des universités espagnoles, norvégienne, portugaise et l’URCA. Quant à mes activités de recherche, elles portent sur l’analyse du travail et le développement professionnel des enseignants et des formateurs. Au fil du temps, je me suis orienté vers les questions relatives à l’inclusion scolaire et universitaire des élèves et des étudiants.

T. Philippot : Après avoir été, pendant 20 ans, professeur d’histoire-géographie dans l’enseignement secondaire puis, après une reprise d’études qui m’a conduit à l’obtention d’un DEA et la soutenance d’une thèse, je suis devenu enseignant-chercheur à l’IUFM. Je suis actuellement responsable de la mention pratique et ingénierie de formation au sein de laquelle est intégré le parcours master CIREF. L’originalité de ce parcours tient en sa capacité à regrouper en son sein des enseignants, des étudiants, des membres d’associations ou des personnels d’entreprises. Mes recherches portent sur le travail des enseignants, le processus d’enseignement et l’apprentissage à l’école primaire. Je travaille également sur les questions d’inclusion dans les enseignements primaire, secondaire et supérieur.

Comment ont commencé vos collaborations avec l’Amérique du Sud ?

D. Niclot : Elles sont nées d’une demande d’expertise émise par le ministère argentin de l’éducation en vue de la création d’un Institut National de Formation des Enseignants (INFOD). Après une première visite de Gilles Baillat, alors directeur de l’IUFM et président de la CDIUFM, j’ai effectué seul, puis par la suite avec d’autres collègues des missions d’enseignement et de conseil dans cet institut pendant près de cinq ans. C’est au cours de ces missions que des liens ont été noués avec des enseignants de l’Université Nationale de San Martin (USAM) et l’Université Nationale Pédagogique (UNIPE) de Buenos Aires. Les relations établies à l’INFOD ont servi de colonne vertébrale à nos futurs projets, notamment la mise en place de doubles diplômes.

T. Philippot : Nous avons, en effet, eu rapidement le projet de construire des parcours débouchant sur la délivrance de doubles masters en sciences de l’éducation. L’idée était, au début, de créer un diplôme conjoint avec trois universités, l’USAM et l’UNIPE, côté argentin, et l’Université Pédagogique Nationale (UPN) de Bogota, côté colombien. En raison des législations nationales il n’a pas été possible de développer un diplôme conjoint et nous avons créé des doubles diplômes. Si cette coopération a une forte dimension « formation » elle possède néanmoins un important volet dédié à la recherche. Des colloques ont été organisés tous les ans et ont permis de souder notre communauté de recherche. Les congrès de l’Association Mondiale des Sciences de l’Education (AMSE) auquel ont participé les partenaires ont aussi joué un rôle important dans notre partenariat.

Quels programmes de financement ont soutenu vos projets ?

D. Niclot : Notre projet a tout d’abord été financé dans le cadre du programme PREFALC (Programme Régional France-Amérique Latine-Caraïbes) porté par le ministère des Affaires Etrangères, le ministère de l’Enseignement Supérieur, la Fondation Maison des Sciences de l’Homme et l’Institut de Recherche pour le Développement. Ce programme a permis de financer les mobilités des enseignants de l’URCA et des universités partenaires, de coordonner les programmes et d’assurer les enseignements sur place.

A l’issue du programme PREFALC, nous avons pu bénéficier de la part du programme Erasmus + (Mobilité Internationale de Crédits) d’un nouveau financement pour assurer la mobilité des enseignants de l’URCA en Argentine.

Quelles ont été les difficultés que vous avez pu rencontrer sur ces projets et quels conseils donneriez-vous à des chercheurs souhaitant déposer des projets avec l’Amérique du Sud ?

D. Niclot : Nous ne pouvons pas parler de réelles difficultés mais de certaines précautions à prendre lorsque l’on veut s’engager dans de tels projets. Il faut tout d’abord savoir s’adapter aux spécificités régionales, notamment en termes de déroulement des cursus, sans avoir pour ambition d’imposer un changement calqué sur nos modèles. Il faut aussi savoir tenir compte des cultures et susceptibilités nationales ou régionales. Cela ne veut pas dire « acquiescer à tout », mais être à l’écoute et instaurer des relations interpersonnelles de confiance, lesquelles me semblent un prérequis indispensable. La question sécuritaire reste une considération à prendre en compte à l’occasion des déplacements.

T. Filippot : Le temps, la confiance et la modestie me semblent en effet des éléments indispensables pour mener à bien une coopération fructueuse en Amérique latine. L’arrière-plan relationnel doit être construit au moyen de rencontres et de manifestations communes, le rôle des mobilités est fondamental à cette fin. Si la maîtrise de la langue espagnole n’est pas indispensable, il s’agit d’un atout de taille pour construire ces relations de confiance. C’est aussi une marque d’intérêt pour la culture qui est grandement appréciée. Pour le reste, le fonctionnement administratif des universités reste assez similaire à notre modèle ce qui facilite certaines démarches. Enfin, je voudrais souligner que l’image de la France demeure extrêmement positive, et même prestigieuse en matière de recherche en sciences humaines et sociales notamment, ce qui peut constituer un levier d’action intéressant pour nouer une relation.

Quels sont vos prochains projets dans cette région ?

T. Philippot : Un colloque sur l’inclusion organisé par les universités partenaires des doubles diplômes aura lieu en octobre prochain à Buenos Aires. Le renforcement de notre coopération au niveau doctoral est certainement une priorité. Peu d’enseignants dans les universités partenaires ou les instituts de formation des enseignants ont une expérience de la recherche et sont détenteurs d’une thèse. Un certain élan a lieu, en ce moment, en faveur du développement de capacités de recherche nationale. Nous aimerions, à notre modeste échelle, accompagner ce mouvement.

D. Niclot : Nous devons mener une mission d’expertise sur la création d’une nouvelle université pédagogique à Montevideo en Uruguay en octobre 2017. Comme l’a souligné Thierry Philippot, malgré nos efforts nous n’avons pas pu jusqu’à présent développer des doctorats en co-tutelle internationale, nous souhaiterions pouvoir y parvenir dans les années à venir.