Avril 2018 - Entretien avec Eric Desjardin et Céline Loscos

Éric Desjardins et Céline Loscos, enseignants-chercheurs au sein du laboratoire CReSTIC travaillent sur des outils TIC pour le patrimoine culturel et ils viennent d’obtenir un projet JPI Cultural Heritage.

Tombeau de Jovin - 3D

Détail de la reconstitution 3D du Tombeau de Jovin, Musée Saint-Rémi

Tombeau de Jovin - reconstitution 3D

Reconstitution 3D du Tombeau de Jovin, Musée Saint-Rémi

SIG Reims

Pouvez-vous nous donner trois mots-clés qui définissent vos spécialités ?

  • Céline Loscos : synthèse image ; réalité virtuelle ; traitement du contenu ; imagerie 3D
  • Éric Desjardin : gestion des connaissances ; modélisation 3D ; système d’information géographique

Quelles sont vos thématiques de recherche en lien avec le patrimoine culturel ? Pouvez-vous nous donner des exemples d’activités développées dans ce contexte ?

Éric : Nous faisons tous les deux parties du CReSTIC, je suis responsable de l’axe thématique Industrie créative et Céline de l’équipe RVM (Rich Visual Media). Nos thématiques sont complémentaires : si on prend l’exemple de la modélisation 3D du Tombeau de Jovin, au Musée Saint Rémi, d’un côté le travail de Céline porte sur le rendu et la visualisation (pixels) et de l’autre le mien porte sur l’accroche de la sémantique à cette scène : les personnages, les corps et les aspects historiques.

Les applications possibles des TIC pour le patrimoine culturel sont très nombreuses mais le fil conducteur de mes activités en lien avec le patrimoine au CReSTIC est de montrer l’évolution de la ville de Reims depuis le paléolithique. Je me sers pour cela d’un outil spécifique, le Système d’Information Géographique (SIG) avec une dimension spatiale en 3D et une dimension temporelle, historique. Il permet de représenter et d’analyser des éléments géographiques, des connaissances historiques et archéologiques à partir de bases de données.

Nous collaborons régulièrement avec les Musées de Reims (Musée Saint-Rémi, Fort de la Pompelle et Musée de la Reddition) : reconstitution de pièces du Musée Saint-Rémi en 3D comme le Tombeau de Jovin ou la statue de Lothaire, applications pour le grand public, etc. Nos prochains projets incluent entre autres la reconstitution de la Sainte Ampoule par hologramme. Les TIC sont un formidable outil de pédagogie et de vulgarisation en plus du potentiel de conservation et reconstitution.

Enfin, j’ai aussi travaillé avec des associations locales comme Reims Avant[1] et AmiCarte51[2], par exemple sur la reconstitution de bâtiments de la ville de Reims avant la 1ère Guerre mondiale à partir de cartes postales anciennes.

Avez-vous des collaborations internationales sur ces questions ? (Projets acceptés ou déposés, équipes identifiées)

Céline : Nous sommes partenaires du projet européen SCHEDAR (Safeguarding the Cultural HEritage of Dance through Augmented Reality)[1], financé dans le cadre de l’Initiative de programmation conjointe (JPI) Cultural Heritage. Ce projet est porté par l’Université de Chypre et il implique l’Université de Warwick (Royaume-Uni) et l’Université de Rennes au niveau académique, mais aussi des entreprises et associations du milieu culturel.

L’objectif du projet est la conservation de danses traditionnelles, ce qui constitue une certaine originalité puisqu’il s’agit de patrimoine animé et non pas figé comme avec des monuments ou des objets.

Alors que nous collaborons de façon régulière avec l’Université de Warwick et l’Université de Chypres, ce projet va nous permettre d’initier de nouvelles collaborations avec l’Université de Rennes, nous allons notamment co-encadrer une thèse.

Nous collaborons également avec d’autres équipes internationales comme le CNR[2] à Rome.

Quels sont selon vous les défis actuels liés au patrimoine culturel ?

Céline : Travailler ensemble. Le patrimoine permet et nécessite des collaborations pluridisciplinaires mais il faut parvenir à avoir des objectifs communs. Il existe encore aujourd’hui un manque de compréhension entre disciplines : par exemple, alors que les TIC permettent de pouvoir reconstruire des pièces détruites, en archéologie, on considère qu’il ne faut pas reconstruire, seulement reconstituer.

Éric : Il faut parvenir à créer une médiation qui satisfasse tous les acteurs : à la fois les intérêts du public, le travail des archéologues et des historiens, et la démarche du chercheur en informatique.

Les TIC répondent déjà à certains enjeux liés au patrimoine. Les reconstitutions de lieux et monuments grâce aux technologies actuelles sont une approche de sauvegarde efficace face aux dégradations qui peuvent être engendrées par exemple par le changement climatique ou le tourisme patrimonial. Ainsi permettre de visualiser dynamiquement et interactivement plusieurs hypothèses de restitution architecturale, ouvrir au travail collaboratif et transdisciplinaire autour de maquettes virtuelles, offrir de nouveaux supports de visualisation comme la réalité virtuelle/augmentée ou l’holographie, sont autant de premiers exemples d’apports fondamentaux que permettent les recherches en STIC mais qui présentent encore de très nombreux défis.

Enfin, l’interaction et la visualisation en réalité virtuelle ouvrent l’accès au patrimoine à tous et en tout lieu.