Temporalités urbaines : Dimension de l'urbanité, levier pour l'urbanisme

Ce séminaire s'est tenu le mercredi 30 mai, de 11h à 17h, dans la salle R 418, Bâtiment Recherche (dernier étage), Campus Croix-Rouge, Université de Reims.
Cette journée d'études, dont l'entrée était libre, a réuni une quarantaine de participants.

Depuis l’ouverture des premiers « bureaux du temps » dans les années 1990, la question du temps a pris de l’ampleur dans le monde des villes. Au-delà des rythmes quotidiens qui scandent la vie urbaine, les temporalités touchent aussi les calendriers des politiques publiques, la conception et la mise en œuvre des projets d’urbanisme, les fluctuations des conjonctures sociales et les longues durées de l’histoire urbaine – celle de chaque ville et celle des espaces qu’elles constituent par leurs interactions. Le risque serait que le temps devienne un thème parmi d’autres, juxtaposé plutôt qu’impliqué. À l’inverse, pris comme une dimension transversale, il peut devenir un angle d’approche pour les sciences de la ville et un outil pour l’action urbaine.

Pour faire le point sur ces différentes temporalités et pour réfléchir à la possibilité de les mettre en cohérence, l’Institut d’aménagement des territoires, d’environnement et d’urbanisme de l’Université de Reims (Iateur) et le laboratoire Habiter ont donc organisé ce séminaire ouvert qui vise autant à faire converger des questions qu’à proposer des réponses. Dans la suite des interventions des spécialistes invités, une large place a été donnée à la discussion avec les participants.

Affiche séminaire Temporalités urbaines

Déroulement du séminaire

11h00 - Enjeux de l’approche temporelle en urbanisme
Sandra Mallet, urbaniste, directrice de l’Iateur, laboratoire Habiter, Université de Reims
Les acteurs de la production urbaine portent une attention renouvelée aux dimensions temporelles de l’espace depuis quelques décennies. L’apparition des bureaux des temps, la promotion des Cittàslow et les expériences d’urbanisme temporaire comptent parmi les figures les visibles d’une progressive reconnaissance du temps comme véritable enjeu pour l’urbanisme. Jusqu’alors, le temps apparaissait comme peu problématique et faisait figure d’évidence pour la fabrique urbaine et l’étude de l’évolution des villes. La montée des incertitudes, l’accélération des rythmes, la diversification des emplois du temps amènent à renouveler le regard porté sur l’espace et à reconsidérer les mécanismes traditionnels de l’action. Cette introduction invite à explorer différentes dimensions temporelles de la fabrique urbaine.

11h45 - La production urbaine accélérée : analyse du projet d'aménagement des Bassins à flot à Bordeaux
Jean Grosbellet, urbaniste, IUT Carrières Sociales, laboratoire Habiter, Université de Reims
Le métropolisation bordelaise, engagée dans les années 2000, se caractérise notamment par une accélération des transformations spatiales qui contribue à mettre sous pression son développement urbain, par l'ampleur, la rapidité et la simultanéité des projets à l'œuvre. En revenant sur un grand projet d'aménagement bordelais, l'opération des Bassins à flot, cette présentation s'intéresse aux mécanismes, c'est-à-dire aux outils et dispositifs de fabrication de la ville mis en place pour favoriser une production urbaine accélérée.

12h45 - Déjeuner

14h00 - Les temps de la décroissance urbaine
Sarah Dubeaux, géographe et urbaniste, post-doctorante à l’École normale Supérieure
En France, la décroissance urbaine se traduit encore par une prise en compte timide et officieuse par les acteurs institutionnels. La fin du déni est difficile ; le temps de ces villes sort d'une croissance a priori linéaire, construite sur l’essor urbain de la révolution industrielle et encouragée par des instruments d'aménagement très empreints de ce paradigme. Les ressorts français de la décroissance – surtout économiques et urbains – induisent une analyse sur le prisme d'un dysfonctionnement temporaire et réversible. Pour ces villes, il s’agit de s'insérer dans le sillon des villes locomotives via une accélération fictive de projets urbains et une importation de modèles. La désynchronisation entre temps urbain quotidien, projection sur un futur voulu et réinvention du passé est ici forte. …D’autant que les catégories entre villes croissantes et décroissantes sont poreuses, rendant plus incertaines les trajectoires urbaines. Est ici illustrée la nécessité d’une prise en compte réelle des temporalités urbaines, notamment par la reconnaissance du temps des friches.

15h00 - Nouveaux rythmes, nouveaux usages, nouveaux services : l’exemple de la métropole de Lyon
Lucie Verchère, psychologue, chargée de la mission Temps et services innovants (Direction de la Prospective et du Dialogue public) à la Métropole de Lyon
Les temps et rythmes des habitants et des territoires ont fortement évolué depuis vingt ans, ce qui a conduit à revisiter les usages et les attentes des citoyens. L'intervention montrera comment et pourquoi les politiques temporelles sont devenues incontournables car très transversales dans de nombreux domaines : mobilité, aménagement, organisation du travail, et bien sûr conciliation des temps... L’exposé s’appuiera sur différents exemples, avec un zoom sur des actions conduites par la Métropole de Lyon sur trois axes forts : mobilité, travail nomade, nouvelles approches du design des services.

16h00 - Cospatialités, contemporanéités
Jacques Lévy, géographe et urbaniste, professeur à l’Université de Reims et à l’École polytechnique fédérale de Lausanne, membre du rhizome Chôros.
Du micro-événement dans l’espace public à l’histoire longue de l’urbanisation, les échelles des temps urbains sont multiples. Les métriques aussi, car les rythmes, la relation entre le répétitif et l’inédit, les équilibres entre continuités et discontinuités varient beaucoup, et de plus en plus. On peut faire l’hypothèse que ces différentes temporalités, autrefois sans lien, commencent à se fédérer dans chaque individu, devenu acteur stratégique de sa biographie, mais aussi dans la rencontre entre de multiples couches spatiales, celles des acteurs et celles des environnements qui les englobent. Cospatialités et contemporanéités apparaissent alors comme deux manières convergentes d’approcher un même enjeu, l’habiter.